Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a récemment demandé à l’organe chargé de la gestion des élections au Cameroun, Elecam, de publier la liste nationale des inscrits. Cette demande a suscité des réactions vives de la part des partisans du régime en place à Yaoundé, qui considèrent le MRC comme un obstacle à leurs manœuvres frauduleuses. Cependant, si Elecam ne rassemble pas les listes dispersées dans les 360 communes du pays et ne les présente pas de manière synthétique, cela soulève des questions sur l’utilisation de la biométrie et l’efficacité de l’organe électoral.
Des listes électorales fragmentées
Lors des élections précédentes, les listes électorales ont été publiées progressivement dans les différentes circonscriptions électorales du pays. Cependant, il serait plus efficace pour Elecam de rassembler ces listes et de les présenter de manière cohérente. Avec les avancées technologiques actuelles, cette tâche pourrait être accomplie d’un simple clic. Au lieu de cela, Elecam demande à chaque citoyen de vérifier les listes dans sa commune d’attache, ce qui est inutilement complexe et inefficace.
Le rôle de la biométrie
La biométrie a été vantée comme une solution permettant d’établir un fichier électoral national fiable. Cependant, si Elecam ne parvient pas à présenter une liste nationale complète des inscrits, cela remet en question l’utilité de la biométrie dans le processus électoral. Chaque citoyen devrait pouvoir avoir une vue d’ensemble du fichier électoral national à partir de son téléphone portable, ce qui faciliterait également les réclamations en cas d’omissions ou d’irrégularités.
Violations du droit de vote
La Constitution camerounaise garantit le droit de vote à tout citoyen âgé de 20 ans révolus. Cependant, ce droit est bafoué à plusieurs égards. Par exemple, les détenus en attente de jugement sont privés du droit de vote, même s’ils bénéficient de la présomption d’innocence. Des prisonniers d’opinion, tels que le professeur Alain Fogue Tedom du MRC, ont dénoncé cette situation, mais leurs appels sont restés sans réponse. De plus, les Camerounais de la diaspora luttent également pour préserver ce droit inaliénable. Des obstacles tels que l’exigence d’une carte de séjour pour s’inscrire sur les listes électorales sont également signalés, ce qui restreint l’accès au vote.
Manipulation du découpage électoral
Une forme de fraude électorale consiste à découper les circonscriptions de manière à favoriser certains partis politiques. En 2007, par exemple, de nouvelles circonscriptions ont été créées dans des zones favorables au parti au pouvoir, en utilisant le pouvoir des décrets. Cette manipulation du découpage électoral viole le principe d’équité et altère le jeu démocratique en donnant un avantage injuste à certaines formations politiques.
Le calendrier électoral sous le contrôle du président
Contrairement à de nombreuses démocraties où le calendrier électoral est établi en concertation avec les acteurs politiques, au Cameroun, le président de la République détermine unilatéralement la date des élections. Cette situation crée un déséquilibre, car le président est à la fois juge et partie, étant le chef de l’État et le leader d’un parti politique en compétition avec d’autres formations. Cela permet au président d’exercer une forme de fraude légale, car il a le pouvoir de convoquer le corps électoral selon l’article 86 alinéa 1 du code électoral.
La demande du MRC de publier la liste nationale des inscrits a mis en lumière les lacunes du processus électoral au Cameroun. La fragmentation des listes électorales, l’utilisation limitée de la biométrie, les violations du droit de vote et la manipulation du découpage électoral remettent en question la transparence et l’équité des élections. De plus, le contrôle unilatéral du calendrierélectoral par le président crée un déséquilibre politique. Pour garantir des élections transparentes et équitables, il est essentiel de rassembler les listes électorales de manière exhaustive, d’utiliser pleinement les technologies disponibles et de respecter les droits de vote de tous les citoyens camerounais. La réforme du processus électoral est nécessaire pour renforcer la confiance des citoyens dans le système démocratique et assurer des élections libres et justes au Cameroun.
Emmanuel Ekouli