Les premières cartes d’identité en 48 heures devraient être produites d’ici la fin d’année, a annoncé mercredi dernier Martin Mbarga Nguele le Délégué général à la Sûreté nationale, seulement une nouvelle mesure prise par le président de la République jeudi semble être une entrave à cette révolution.
L’enthousiasme affiché mercredi dernier, par plusieurs Camerounais à l’annonce de la pose de la première pierre du Centre de production des pièces d’identité a été de très courte durée. Jeudi dernier, une ordonnance du président de la République modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2023/019 du 19 décembre 2023 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2024 est venue court-circuiter cette joie. Dans son ordonnance, Paul Biya indique que les frais de timbre pour la production de la CNI qui s’élevaient à 2800 FCFA s’établiront désormais à 10.000 FCFA, soit une augmentation de 7200 FCFA.
Réactions
Au sein de l’opinion cette décision ne laisse personne indifférent. Sur les réseaux sociaux, un internaute écrit: “le smig au Cameroun est à 41.875F CFA.Certains vont devoir enlever au moins 15.500F dessus pour faire désormais leur Carte Nationale d’Identité.Il y a quoi ?Le pays est beau! “.
L’association Échange et Liberté pour la protection et la défense des droits des consommateurs au Cameroun a annoncé une communication officielle par un communiqué de presse à l’opinion publique nationale et internationale sur la hausse des frais de la carte nationale d’identité au Cameroun.
Un avis non favorable”, a écrit le porte-parole de l’association.
De son côté Idy Mana Mayo écrit : ” le timbre de la CNI carte nationale d’identité au Cameroun est passé à 10.000 FCFA
Le visa est à 200.000 FCFA
Je trouve cela excessif ces prix font freins au citoyens camerounais de pouvoir se faire établir une carte nationale d’identité et aux touristes. Sachant que le Cameroun ne reconnaît pas la double nationalité”.
Des réactions normale car en plus du timbre, le demandeur de la CNI devra produire un certificat de nationalité qui coûte 2600 FCFA et une copie certifiée de l’acte de naissance qui se fait à 2100 FCFA. Si à ces frais il faut ajouter les frais de transport et le monnayage pour se faire établir rapidement ces pièces, il est évident qu’il faudra désormais prévoir autour de 20.000 FCFA pour certains pour obtenir une carte d’identité.
Retour à la case départ
Vantant le nouveau système d’identification au cours de la cérémonie de la pose de la première pierre de l’usine de production des CNI, Martin Mbarga Nguele a indiqué que celui-ci “permettra de réduire considérablement ce délai. Grâce à ce système, les demandes de CNI seront traitées de manière électronique et les cartes seront imprimées directement sur place”. “En plus de la rapidité accrue, le nouveau système d’identification sécuritaire offrira également une meilleure sécurité. La CNI sera dotée de nouvelles fonctionnalités de sécurité qui la rendront plus difficile à falsifier.
La mise en place de ce nouveau système d’identification sécuritaire est un projet d’envergure qui contribuera à améliorer la vie quotidienne des Camerounais. Il permettra de faciliter l’accès aux services publics et de renforcer la sécurité des documents d’identité”, a ajouté le “père de la police”.
Des avancées qui n’auront aucune efficacité si les citoyens seront dans l’incapacité de se faire établir une carte nationale d’identité. Car au regard du coût exorbitant de cette pièce officielle, certains Camerounais seront obligés de se mettre dans l’illégalité faute de moyens. ” On reviendra donc dans ce cas à la situation initiale où plusieurs camerounais étaient privés de leur titre d’identité. Auparavant c’était dû aux failles du système d’identification, cette fois ça sera dû au manque de moyens”, commente un analyste.
Corruption à volonté
Sur les axes routiers, les bénéficiaires de cette mesure seront les policiers et les gendarmes chargés du contrôle des CNI. Tous les citoyens n’ayant pas eu des moyens pour se faire établir une CNI, n’auront pas d’autres choix que de se retrouver dans la nasse de ces fonctionnaires qui font de la misère des citoyens leur miel.
Souveraineté en péril
La cérémonie de la pose de la première pierre du Centre de production des pièces d’identité, a été marquée par la présence de plusieurs responsables de l’ambassade de l’Allemagne au Cameroun. Au cours de cet événement, on apprend que les CNI seront produites par la société allemande Augentic. Crée en 2020, cette société qui a démarré en 2020 gère également la production des passeports au Cameroun. Une situation qui surprend plus d’un observateur quand on sait que les domaines comme la production des identités et des passeports relèvent des domaines de la souveraineté d’un pays.
En plus de contrôler un domaine aussi sensible que l’identification, ces sociétés viennent également se sucrer sur le dos des Camerounais. A en croire plusieurs sources, pour la production des cartes nationales d’identité, l’entreprise Augentic GmbH seule percevra plus de 80 % du montant de la production du document. Pour les seuls passeports, on apprend que l’entreprise allemande perçoit 82.40 % du montant versé soit plus de 90.500 FCFA .”Avec l’affaire de CNI à 10 000frs là, L’État Braque ses propres concitoyens pour verser aux étrangers C’est au mois 45 milliards par an”, commente Shanse Lion. Pourtant trouver une entreprise camerounaise qui peut produire ces cartes nationales n’est pas le plus difficile.
La CNI la plus chère d’Afrique
Au sein des mouvements de défense des droits des consommateurs, on déplore cette augmentation du prix de la carte nationale d’identité, qui ferait de la CNI Camerounaise, l’une des plus coûteuses en Afrique. Au Mali par exemple, les autorités de la transition mettant en garde contre la rétention et la surenchère de la carte d’identité nationale avaient invité la population à dénoncer des possibles cas pour freiner l’obtention de la CNI. Le ministère de la sécurité et la protection civile rappellait que la police, la gendarmerie, les préfets et les sous-préfets peuvent délivrer la carte d’identité nationale à un prix n’excédant pas 1700 FCFA ( 1000 francs CFA, avec deux timbres de 500 et 200 francs CFA).
En Côte d’Ivoire la Carte nationale d’identité (CNI) coûte à chaque Ivoirien un timbre fiscal de 5 000 francs CFA . Un coût d’ailleurs « exorbitant », selon les ivoiriens .
Au Tchad, avec la création depuis 2021, de l’Agence nationale des Titres sécurisés (ANATS), le pays a produit des pièces d’identité avec la biométrie à 5000 FCFA.
En République centrafricaine, la loi en vigueur fixe le prix de la CNI à 4.500 francs CFA. Cependant, les usagers se le procurent à 6.750 frs CFA à cause de la corruption. Pour sa part, le Sénégal exige 6000 FCFA pour se faire établir un titre d’identité aux citoyens.
S’il faut noter que dans la plupart de ces pays, le SMIG dépasse largement celui du Cameroun, avec ces petites comparaisons, il est à penser qu’au pays de Paul Biya, l’Etat est en “guerre” contre des populations.
Joseph Essama