Comme à l’époque de la traite négrière, l’Afrique noire perd massivement ses forces vives et ses valeureux citoyens. Le drame économique est qu’il s’agit de la main-d’œuvre formée chèrement sous fonds africains qui s’en va créer gratuitement la richesse ailleurs. Que c’est triste !


“Frustrés”, c’est le mot le plus cher au Cameroun aujourd’hui. Le citoyen est frustré. Tout le monde est frustré. Même des guerres comme celle qui est en cours dans les régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest sont des guerres de frustration. La frustration d’être dans un système où l’on n’est pas reconnu à sa propre valeur ou encore où l’on ne sait pas valoriser les talents. Beaucoup de camerounais s’accomplissent à l’étranger après leur sortie de ce système où l’on leur avait fait croire que les horizons se limitaient à Yaoundé. Et ce Yaoundé fait croire aux esprits faibles qu’ils sont programmés pour échouer s’ils n’entrent pas dans le clientélisme. “Politics na ndjangui”, font-ils croire.

“Nous partons par frustration”, entend-on bien souvent. Tel un arbre fruitier qui produisait auparavant, on entend les citoyens dire que “le pays ne donne plus”. Signe du désespoir mais aussi de la frustration. Désespoir d’être dans un pays où l’on a l’impression de régresser. Désespoir d’avoir un pouvoir d’achat qui figure parmi les plus bas du continent. Et frustration de ne pas avancer ou d’avoir perdu sa fierté et sa dignité dans la compromission. Frustration de se sentir pressé, abusé et jeté après usage.

Frustrés, marginalisés, exclus, abusés, etc., ce sont-là des symptômes d’une même maladie: la mauvaise gouvernance. La bonne gouvernance dont on parle suppose simplement l’inclusion et la transparence. Des politiques publiques pertinentes, inclusives et transparentes. Le fonctionnement du Cameroun de nos jours est opaque. Personne n’est capable de dire la direction que le pays prendra après Biya. La société baigne dans l’incertitude. La seule décision lucide que les citoyens croient devoir prendre, c’est de partir pour trouver un refuge à l’étranger.

Et les chiffres sont éloquents: selon l’institut statistique du Québec, en 4 ans seulement entre 2019 et 2023, 14135 camerounais ont immigré au Canada, soit environ 6% de l’ensemble des immigrés de ce pays. Selon l’American Community Survey, en 4 ans seulement, 60100 camerounais ont immigré aux États-Unis entre 2015 et 2019. La situation s’est empirée depuis le début de la crise anglophone en 2017. En 2022, plus de 90000 camerounais avaient immigré en France, 15769 en Belgique, 12000 en Espagne, etc. La diaspora camerounaise représente une bonne demi-dizaine de millions de personnes. C’est la saignée dans un pays qui a besoin de ses cadres pour se développer.

Cette situation n’a jamais été une fatalité. Dès 1962, l’agronome René Dumont décrivait méthodiquement dans son livre intitulé “L’Afrique noire est mal partie”, la situation d’un continent corrompu qui piétinait déjà à cette époque. Malgré les critiques quelquefois identitaires, les faits lui ont le plus souvent donné raison par la suite. L’auteur montrait déjà comment l’Afrique pouvait se développer assez rapidement à condition qu’elle repense son école, ses cadres, ses structures. Parlons-en !

Le Cameroun ne peut pas se développer sans ses valeureux citoyens et sans ses cadres. Il est nécessaire d’adopter en toute urgence une politique migratoire proactive et au service du pays. Par exemple, la diaspora des Dragons de l’Asie a été très utile pour le transfert de technologies ayant favorisé l’innovation. Un pays comme le Cameroun ne peut plus continuer d’être client de l’extérieur; il doit se développer par lui-même. Et pour cela, il doit innover pour produire localement de façon compétitive. Il doit avoir des dirigeants patriotes et visionnaires. En cela, le Président Paul Biya est largement critiquable. En 42 ans de règne sans partage, il lègue aux générations futures un pays divisé, sous-développé et indigne, tout le contraire de ce que le Président Ahidjo lui avait légué. Dans son discours de démission, Ahidjo souhaitaient que les camerounais demeurent “un peuple fier, digne et respecté”. A cette époque-là, quel camerounais pouvait rester à l’étranger ? Presque tous les étudiants boursiers rentraient au pays avec grand plaisir et grand sourire aux lèvres. De nos jours, chacun se cherche dès qu’il ou qu’elle met pied à l’étranger. En 2021, sur les 460000 étudiants subsahariens à l’étranger, plus de 90% comptaient y rester après leurs études. Les camerounais étaient le gros des effectifs. C’est la peur de rentrer dans un pays sans avenir et sans débouché. La peur de rentrer dans la galère. A ce rythme, ces jeunes étudiants désemparés demandent sous un air de blague de “vendre le pays et de partager l’argent” afin que chacun puisse se chercher ailleurs.

De quoi est-il question ? Par exemple, en ce mois de septembre 2024, le Président Paul Biya, au soir de sa vie, a porté l’essentiel de son gouvernement pour aller jouer au bayam-selam en Chine. Pire, ils sont allés jouer aux mendiants afin de bénéficier aussi des 50 milliards de dollars que promet la Chine. Calculons ensemble ce qu’il aurait dû faire en septembre, veille de la rentrée scolaire, si son gouvernement et lui étaient sérieux : si l’on ne prend que la seule chaîne des valeurs des manuels scolaires, cela représente au Cameroun un marché de plus de FCFA 1000 milliards. Le gouvernement Biya choisit de zapper l’imprimerie nationale et les imprimeries privées du pays et pire, de fermer l’imprimerie CEPER pourtant destinée à la cause, pour aller attribuer de façon incompréhensible 100% de ce marché à l’Asie, notamment à la Chine. Entre-nous, est-ce qu’on peut faire ça à son pays? Encore grave, ils sont passés aux frais du contribuable par la Suisse où le Président Biya vit depuis que je suis né. Et je pose la question : depuis 43 ans, qu’a-t-il copié de positif dans ce jardin d’Éden où il aime aller se reposer pour construire le Cameroun qu’il dirige sans partage ? Comment peux-tu aimer le maïs du voisin et ne pas prendre la semence qu’il te donne pour aller semer dans ton propre champ? Est-ce qu’on peut faire ça à son pays ?

Le Cameroun est mal parti si ce système ne prend pas fin. Le sens de la réussite sociale au Cameroun ne peut plus être de partir.
Je suis sûr que le gouvernement des Bayam-selam n’a pas visité l’essentiel de la Chine à savoir : “The window of the world”. C’est un système de monitoring du monde logé dans un petit coin de Shenzhen, où le gouvernement chinois reproduit le monde en miniature. Même les chutes de mon village ont été reproduites dans ce lieu. Le gouvernement camerounais ne copiera pas la politique migratoire de la Chine en particulier et des Dragons de l’Asie en général. Leur diaspora est toujours en mission d’intelligence dans le monde entier. Vous ne les verrez jamais sans appareil photo : ils filment tout, envoient au pays et on reproduit. Aujourd’hui, ils sont des champions du monde. L’on ne peut pas se développer sans transfert de technologie. Or, notre gouvernement des Bayam-selam va négocier les importations massives pour tuer définitivement le tissu économique local. Un vrai crime économique !

Je fais partie d’une équipe qui propose de relever ce pays en 3 ans. 43 ans de destruction massive, 3 ans de reconstruction. C’est une question de volonté politique et d’expertise. Il faut croire en l’expertise camerounaise. Il faut mettre à contribution ces cerveaux qui s’en fuient. Il faut croire au contenu local.

Let’s rescue Cameroon!
SDF is back, transformed and more determined.

Louis-Marie KAKDEU, HDR, PhD & MPA
Deuxième Vice-Président National SDF

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