La pianiste canadienne Élisabeth PION originaire du Québec a donné un concert le 10 septembre dernier au Centre Culturel Canadien de Paris et le public nombreux convié à ce récital intime avait été conquis par sa prestation. Cette pianiste d’une grande modestie et sympathie au parcours élogieux parce que  lauréate de plusieurs prix et distinctions qui poursuit désormais sa carrière à Londres avait accepté de répondre à nos questions à la fin de son concert. Voici notre entrevue exclusive.

 

Crédit photo @Le Far (Frédérick Robitaille)

Bonjour Mme PION, comment est née votre passion pour le piano et depuis quand jouez-vous de cet instrument?

Cette passion est née naturellement, ou enfin, progressivement, car qu’est-ce que la nature finalement – un amalgame d’influences et de choix & hasards plus ou moins heureux. Les environnements dans lesquels nous naissons nous construisent à tellement d’égards. Je viens d’une famille qui adore la musique, pas seulement la musique classique, mais la bonne musique, de tous styles et par tous artistes. J’ai grandi en écoutant Elvis, David Bowie, Brassens, Barbara, Céline Dion, entrecoupés avec des œuvres de Tchaikovsky, Chopin, Bach. Le piano s’est imposé à moi comme une évidence: il s’agit du premier instrument que j’ai essayé nous avions un petit piano droit à la maison. J’ai commencé à jouer à cinq ans, c’est à cet âge que j’ai débuté des cours privés avec Francine Lacroix, ma première professeure. J’ai essayé d’autres instruments par la suite (par exemple, la guitare à l’école secondaire, et puis j’ai une petite harpe celtique pour compagnonne sporadique depuis deux ans) mais la joie que me procure le piano est vraiment sans égal. Il s’agit d’un instrument généreux, aux possibilités inouïes, et c’est celui avec lequel je me sens le plus physiquement compatible. C’est un instrument fait pour les gros chats bipèdes, catégorie à laquelle je souscris!

Vous avez été honorée au Canada récemment en obtenant le Prix 2024/2025 de la Révélation musicale. Comment interprétez-vous cette reconnaissance de la radio télévision publique canadienne Radio Canada?

Il s’agit d’une très belle reconnaissance. Je vois ce prix comme un “coucou public” de la part du milieu artistique canadien, qui me signifie manifestement que des gens sérieux et d’expérience suivent mes activités avec intérêt, et veulent en apprendre davantage sur mes aventures musicales. Cela me donne une belle poussée vers l’avant, d’ainsi savoir consciemment que je suis portée et soutenue par ce milieu qui à la fois a vu mes tous débuts, et qui est également fondamental dans le développement de ma carrière actuelle et de mes possibilités musicales. Alors voilà, je reçois ce Prix avec beaucoup de joie. 

Vous avez livré une prestation remarquable et appréciée au Centre Culturel Canadien à Paris. Comment avez-vous jugé la réaction du public à la fin de ce concert?

Je l’ai tout simplement reçue en plein cœur! C’est toujours agréable de sentir que ce que l’on a donné a été reçu et apprécié par le public. Comme un “gold nugget” que je mets dans ma poche et que je touche lorsque les temps sont plus durs, lorsque la satisfaction personnelle ou publique ne sontpas au rendez-vous. Tout vient par phases. Il faut célébrer celles qui sont belles afin de s’appuyer sur ces souvenirs et ces ancrages lorsque l’on traverse des déserts, qui sont à leur façon également riches et bénéfiques pour le développement artistique. La réception du public n’influence pas ma propre opinion quant à ce que je sais avoir donné durant la soirée, et ne change pas la distance que je perçois entre mon idéal sonore imaginé et ce que j’ai été en mesure de donner. Mais il faut aussi savoir apprécier chaque jalon du parcours. Et c’est en fait aussi de donner le droit au public d’avoir aimé! Qu’on le veuille ou non, il s’agit d’un métier public et la dimension communale y est importante. Un artiste qui fait la gueule suite à un concert, par dépit personnel, “vole” en quelque sorte la magie qu’il a probablement pu procurer à nombre d’auditeur.trice.s. C’est de leur dire “vous êtes cons en fait, c’était de la merde ce que vous avez entendu”. Le travail de l’artiste est d’entendre où il/elle en est, d’être dans une honnêteté sauvage vis-à-vis soi-même, et d’ensuite aller toujours plus loin, dans l’intimité de sa salle de pratique. Bref, les accueils chaleureux sont donc des cadeaux que je reçois, sans toutefois perdre le cap, car je sais pertinemment tout le chemin qu’il me reste à faire afin de devenir l’artiste imaginée en mon for intérieur. Pour l’instant, je remercie le public parisien de m’avoir accueillie si chaleureusement.

Vous vivez depuis quelques années à Londres où vous poursuivez votre carrière de pianiste. Quels sont vos projets d’avenir?

E.P : Je souhaite continuer dans la voie sur laquelle je me suis engagée. J’ai plusieurs beaux projets à venir, dans l’immédiat plusieurs récitals et concertos en Angleterre, au Canada, aux États-Unis, et puis une compétition en Colombie le mois prochain, qui me fera découvrir un nouveau pays! Les prochaines années serviront de consolidation. Je souhaite continuer de jouer, en récital, en musique de chambre, et en concerto avec des orchestres symphoniques – j’avoue qu’il s’agit de la combinaison musicale que je préfère, car j’y suis en absorption totale dans une partie pianistique complexe, tout en demeurant en connexion avec d’autres musicien.ne.s. Il s’agit d’une belle mutualité, et je souhaite pouvoir en faire l’expérience de plus en plus régulièrement! 

Je souhaite également continuer à me présenter lors de concours internationaux pour me “faire les dents”, si je puis dire. Je veux aussi poursuivre dans la durée des collaborations artistiques avec des artistes que j’admire, dont plusieurs sont bien lancées (Mathieu Lussier, Alexandra Achillea Pouta, Ronan O’Hora, Alain Trudel, Dame Imogen Cooper). Il me reste aussi officiellement un CD à enregistrer dans le cadre de mon contrat avec ATMA Classique, suite aux deux albums publiés dans la dernière année (“Femmes de légende” et “Amadeus et l’Impératrice”) – je me joindrai également à la violoniste baroque Marie Nadeau-Tremblay dans quelques mois pour un enregistrement commun sous cette même étiquette. 

Par-dessus tout, je souhaite continuer de me développer, d’apprendre, notamment auprès de mentors tels que Gabriela Montero, Bertrand Chamayou, & Benedetto Lupo, de grandir, et d’apporter au public une contribution artistique significative, par l’interprétation, et je l’espère éventuellement par la composition. Faire œuvre utile – une œuvre qui appelle l’imaginaire. And enjoy the ride. Et bien entendu, revenir à Paris!!! À une prochaine fois, et merci!

Crédit photo @Sue Parkhill

                                                                           Photos recueillis à Paris par Ferdinand Mayega

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