Derrière ces chiffres révélés par le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) au soir du 31 janvier 2024, se trouvent autant de vies brisées, des espoirs détruits, des visages, et des histoires des personnes qui, au départ ne demandaient qu’à avoir une vie paisible, dans une famille où ils n’ont pas choisi de naître, et dans un pays où, le choix de vie ne leur a été signé à résidence.
« Il me souvient le jour où nous avions été surpris par les hommes de Boko-Haram alors que nous rentrions du champs mon mari et nos deux enfants. Pendant qu’ils prenaient avec eux ma fille et mon fils âgés respectivement de 12 ans et de 9 ans, après m’avoir copieusement violé par les 2 chefs de gang, ils m’ont obligé de regarder comment ils egorgeaient mon mari. Après cela, ils avaient tout brûlé, emportant avec eux tout notre bétail. Troublée et ne sachant où aller, j’ai dû m’enfuir, partir de mon village. Et c’est en livrant mon corps que j’ai pu trouver de quoi manger pour finalement débarquer à Yaoundé » révèle en larmes dame Fatou, déplacée interne à Yaoundé au lieu dit Briqueterie.
Des témoignages du genre bien que difficiles à prononcer, on en trouve comme des petits pains dans le coin.
Confrontées en effet à des crises humanitaires sans précédent depuis l’arrivée de la secte Boko-Haram en 2009, à en croire en effet les chiffres du Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR), le nombre de personnes déplacées internes principalement causées par les attaques terroristes, conflits armés et autres tensions intercommunautaires au Cameroun tel que susmentionnées, est sans doute à date déjà revu à la hausse.
Le malheur qui ne vient jamais seul
Surpeuplés avec l’accès à la nourriture limité et des conditions de vie précaires, ces camps de réfugiés se trouvent être à date, à connaître des sortes de mutations d’un autre genre. Et comme si cela ne suffisait pas, à cela s’ajoute l’avènement des changements climatiques, avec des inondations qui s’incrustent et alourdissent le chapelet de souffrances de ces personnes vulnérables qui, pour la plupart sont des femmes et enfants. En effet l’on assiste bon gré ou mal gré à un exode de déplacés sans précédent qui quittent les camps de concentrations à la recherche d’un bonheur personnel dans le but simple de se voir combler des besoins vitaux élémentaires.
Inondation dans un camp de réfugiés
En friche d’êtres exposées à des risques élevés de violences sexuelles, sans soins médicaux de qualité et exposées à un risque élevé d’exploitation économique pour le compte des pseudo bienfaiteurs qui, à la place trouvent en ces déplacées une main-d’œuvre gratuite courante, leurs enfants sont le plus souvent sujets au mêmes traitements et par ricochet ne trouvent pas d’accès à une éducation basique et à une scolarité favorables.
« J’ai dû fuir mon village en 2018 en raison des conflits armés. J’ai perdu mon mari et mes deux enfants dans cette guerre. Je me suis retrouvée seule, sans ressources et sans espoir. J’ai trouvé refuge à Pouma, mais la vie était difficile. Je n’avais pas d’argent pour manger, pas de logement décent. Alors, j’ai décidé de me reconvertir dans l’agriculture. J’ai trouvé un petit champ à louer à Ngwei et à Somakondo et j’ai commencé à cultiver des légumes. Mais la vie d’une déplacée interne n’est pas facile. Je suis obligée de travailler plusieurs champs pour pouvoir manger. Je me lève tôt, à 5 heures du matin, et je rentre tard, à 7 heures du soir. Je n’ai pas de repos, pas de vacances. Je suis constamment sous pression pour produire plus pour survivre. Les conditions de travail sont difficiles. Le soleil est brûlant, la terre est dure. Je n’ai pas d’équipements adéquats, je fais tout à la main. Mais je n’ai pas le choix. C’est soit cela, soit la famine.
Malgré tout, je suis fière de ce que j’ai accompli. En vendant l’Okok, J’ai pu créer un petit business qui me permet de nourrir mes proches et de payer mon loyer. Je suis devenue une femme indépendante, mais je sais que je ne suis pas seule. Il y a des milliers de déplacées internes comme moi qui luttent pour survivre. Je souhaite que les gens comprennent que nous ne sommes pas des victimes, nous sommes des survivantes. Nous avons besoin d’aide, mais nous avons aussi besoin de respect et de reconnaissance. Malgré tout Dieu est au contrôle». Dorcas Mfor déplacée interne du village Alou dans l’arrondissement de Wabane, département du Lebialem, région du Sud-Ouest du Cameroun. reconvertie dans l’agriculture.
État des lieux
Au Cameroun, le nombre de personnes déplacées internes est en constante évolution. Selon les dernières statistiques disponibles, en novembre 2022, il y avait environ deux millions 38 mille 539 personnes déplacées de force. En janvier 2023, ce nombre était de 2 022 806 individus. Et en novembre 2023, il était de 2 millions de personnes environ.
Les déplacés internes essayent de s’occuper comme ils peuvent
Sur cette photo une déplacée interne à Pouma
Les régions les plus touchées sont les régions anglophones du pays, où les conflits armés ont provoqué le déplacement de milliers de personnes. Les populations Centrafricaines, Nigériennes et Camerounaise en sont également durement affectées.
Les personnes déplacées internes sont confrontées à des conditions de vie difficiles, avec un accès limité à l’eau, la nourriture et les soins de santé. Les femmes enceintes et allaitantes sont particulièrement vulnérables, avec plus de 12 000 personnes affectées.
Afin de fournir une réponse d’urgence face à cette crise mondiale, les organisations humanitaires travaillent d’arrache-pied en apportant un soutien sanitaire et alimentaire, aux personnes déplacées internes. Cependant, les besoins sont énormes et les ressources limitées.
« Ces personnes, qu’on appelle les ” personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays” ou “PDI” , constituent la grande majorité des personnes déplacées aujourd’hui dans le monde. À la fin de l’année 2022, le nombre de personnesen situation de déplacement interne atteignait le chiffre impressionnant de 60 millions. Si certaines régions sont plus touchées que d’autres, aucune nation n’est épargnée par les risques de déplacement. Les femmes et les filles représentent plus de la moitié dans le monde, 5 millions de déplacés internes vivent avec un handicap et on estime que 2,6 millions sont des personnes âgées. Plus de 30,5 millions sont des enfants et des jeunes » va rappeler le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) dans un bulletin d’informations.
Selon une analyse du Comité International de la Croix Rouge (CICR), près de sept millions de personnes ayant fui des catastrophes demeuraient piégées dans une situation de déplacement.
La cause résulte egalement du fait de ce que, ces personnes se trouvent êtres piégées dans des situations de déplacement prolongé. Bon nombre de personnes déplacées ne sont pas en mesure de retrouver un foyer de façon sûre et pérenne parce que le conflit responsable de leur déplacement perdure sans perspective de règlement le cas actuel du Noso en dit long. Dans certains cas, ce sont la deuxième et même la troisième génération d’enfants qui sont nés dans une situation de déplacement et qui grandissent sans avoir jamais connu le foyer d’origine de leur famille.
Cependant, pour diluer cette teinte lugubre, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il est également à noter que, par l’entremise des points focaux du Comité International de la Croix rouge et du Croissant Rouge, environ 658 548 ont été retournés.
Qui paye la facture ?
Perte d’accès à l’éducation et à la santé, victimes de séparation des familles, de violences sexuelles, physiques, et autres traumatismes psychologiques, les déplacés internes paient un lourd tribut sur tous les plans. Face à cette surcharge démographique qui a pour coloration la dégradation de l’environnement, avec cette pression locale qui offre des surtensions intercommunautaires sur des ressources naturelles, question est désormais de prendre en compte les besoins et les droits des déplacés internes et de mettre en œuvre des stratégies à court, moyen et long terme pour solutionner ce problème complexe.
(crédits sources : HCR, OCHA, ONUFEMME, UNFPA CICR, MSF, OIT),
Lionnel BAYONG FILS