Le Cameroun s’apprête à franchir une nouvelle étape dans le processus de décentralisation avec le projet de loi portant sur la fiscalité locale, actuellement en examen à l’Assemblée nationale. Ce document, qui propose des réformes significatives, vise à renforcer le financement des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) et à moderniser l’administration fiscale locale.
Des mesures fiscales innovantes
Parmi les innovations majeures, le projet de loi prévoit l’augmentation du taux du droit d’accises spécial destiné à financer l’enlèvement et le traitement des ordures, qui sera relevé à 1%. Cette mesure est conçue pour allouer davantage de ressources aux CTD, leur permettant ainsi de mieux gérer les déchets et d’améliorer les services municipaux.
En outre, un nouvel Impôt Général Synthétique (IGS) sera instauré pour les micros et petites entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 81 103 dollars US (50 millions de Fcfa). Cette mesure remplace l’impôt libératoire ainsi que sept autres taxes communales, simplifiant ainsi le paysage fiscal pour les petites entreprises.
Le projet de loi prévoit également l’affectation intégrale du produit du droit de timbre de la carte grise aux régions, ainsi qu’une part des recettes de la Taxe spéciale sur les produits pétroliers, destinée à l’entretien routier. De plus, une centralisation par le Feicom d’une quote-part de 70% des taxes régionales pour la péréquation, excluant le droit de timbre, est également à signaler.
Avancées dans l’administration fiscale
Sur le plan administratif, le projet de loi propose une transformation des Centres Divisionnaires des Impôts (CDI) en Centres de Fiscalité Locale et des Particuliers (Cflp). Cette évolution vise à moderniser les processus fiscaux en intégrant des solutions de dématérialisation pour l’immatriculation, l’émission, la déclaration et le recouvrement des impôts locaux.
L’accent est également mis sur la suppression des paiements en espèces, remplacés par des modes de paiement plus sécurisés. Les procédures de contrôle et de recouvrement seront adaptées aux spécificités de la fiscalité locale, contribuant ainsi à améliorer l’efficacité administrative.
Objectifs et défis
Le projet de loi a pour double objectif de réformer le cadre juridique et de renforcer l’autonomie financière des CTD, en réponse à la loi N° 2019/024 du 24 décembre 2019, portant code des Collectivités Territoriales Décentralisées, ainsi qu’à la Stratégie Nationale de Développement à l’horizon 2030 (SND 30).
Cependant, la mise en œuvre de ces réformes se heurte à des défis considérables. Les recettes de l’État destinées aux CTD pour l’exercice 2022 n’ont représenté qu’environ 1% du PIB, tandis que les taxes communales ne comptaient que pour 0,1% du PIB. De plus, le rendement des prélèvements fiscaux communaux reste insuffisant, avec une moyenne de 53,1 millions de dollars US sur la période 2015-2019.
Les difficultés persistent, notamment en raison de l’absence d’une répartition claire des compétences entre les services fiscaux de l’État et ceux des CTD, entraînant des interventions concurrentes. L’insuffisance des moyens financiers, matériels et humains dédiés à la collecte et à la gestion de la fiscalité locale constitue également un frein majeur.
Le projet de loi sur la fiscalité locale au Cameroun représente une avancée significative vers une décentralisation plus efficace et une autonomie financière accrue des CTD. Toutefois, sa réussite dépendra de la capacité à surmonter les nombreux obstacles qui persistent. La mise en œuvre de ces réformes sera cruciale pour améliorer la gestion des ressources locales et répondre aux attentes des citoyens.
Emmanuel Ekouli