Prenant la parole le 31 décembre 2023, lors de son traditionnel discours des vœux de nouvel an, Paul Biya avait annoncé plusieurs projets pour l’année 2024. Un an plus tard, la plupart d’entre eux n’ont pas quitté le stade de promesse.

C’est à croire que la parole de Paul Biya n’a plus de valeur. Lors de son discours de fin d’année 2023, le président de la République s’était lancé dans une vague de promesses pour l’année 2024. Seulement l’année s’est achevée, les Camerounais attendent toujours.

Projet énergétiques

« Plusieurs autres projets d’ouvrages hydroélectriques sont également envisagés ou en train d’être lancés. Il s’agit notamment des barrages de Kikot, de Minkouma, de Grand Eweng et de Bini à Warak », avait annoncé Paul Biya du hait de son pupitre. Au 31 janvier 2024, l’on est encore incertain sur les dates de démarrages de certains projets. En octobre dernier, les travaux de construction du barrage hydroélectrique de Mbede-Kikot ont été annoncé pour 2026. Ceux des travaux de construction du barrage hydroélectrique de Minkouma devraient également démarrer en juin 2026, d’après les prévisions du ministère de l’Eau et de l’Energie.

D’un cout estimatif de 3 milliards de dollars, soit environ 1700 milliards de Fcfa, les travaux de construction du barrage hydroélectrique de Grand Eweng sur le fleuve Sanaga était initialement prévu vers la fin de l’année 2024. Mais l’année s’achève sans que l’ouvrage qui aura une capacité de production de 1800 mégawatts (MW) de puissance ne démarre.

Le président avait également annoncé que l’usine de pied du barrage hydroélectrique de Lom Pangar qui est déjà opérationnelle permettra d’accroître l’offre énergétique dans la ville de Bertoua et ses environs. Sur le terrain la situation n’a pas changé. Les populations de la région de l’Est vivent toujours sous le rythme des coupures intempestives d’électricité.

Les routes toujours boueuses

Le discours de Paul Biya du 31 décembre 2023, offrait ensuite un panorama de promesses, pour ce qui est de l’amélioration des infrastructures routières. « Les instructions ont été données, s’agissant de la nécessaire amélioration de la situation de nos infrastructures routières », lançait Paul Biya. « S’agissant de la route Ebolowa-Kribi, les négociations avec les bailleurs de fonds, qui ont longtemps achoppé sur les questions environnementales, sont finalement en train d’aboutir. Toutes les dispositions nécessaires seront prises pour que la construction de cette route, tant attendue par les populations concernées, démarre effectivement en 2024 », ajoutait le président de la république. A la fin de l’année 2024, les populations de cette partie du pays qui attendent le bitumage de cet axe routier depuis 2011, sont toujours dans l’attente.

Pendant son discours, Paul Biya avait mis un accent particulier sur les projets autoroutiers. Il indiquait que ceux-ci « ne seront pas en reste au cours de l’année qui s’annonce, avec notamment le démarrage de la construction de la section urbaine de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen et celui de la phase 2 de l’autoroute Yaoundé-Douala ». Pour le premier projet, l’entreprise française Razel a été chargée de conduire les travaux préliminaires, mais sur le terrain rien n’a bougé.

Ordures ménagères

La situation des ordures ménagères qui encombrent les principales villes du Cameroun, occupait également une place de choix parmi les priorités de 2024 du président de la République. Mais ses vœux sont restés pieux. « En outre, face à la dégradation de la situation en la matière, j’ai prescrit au Gouvernement de trouver en urgence, une solution pérenne au problème du ramassage des ordures ménagères dans nos villes, en collaboration avec les Communes et les Communautés Urbaines », déclarait Paul Biya dans son discours. Du coté de Yaoundé, la communauté urbaine a renouvelé en novembre dernier son contrat avec Hysacam. Mais la capitale camerounaise vit toujours une crise des ordures que l’entreprise n’arrive pas à régler.

A Douala la capitale économique, la ville peine à se débarrasser de ses ordures, alors que le secteur est de plus en plus paralysé par les mouvements de grève des agents de la société Hysacam.

Dépense publique et détournements

La rationalisation des dépenses publiques, ainsi que la lutte contre les détournements de deniers publics avaient une tonalité plus grave dans le discours du président. « Je n’ai de cesse de prescrire au Gouvernement la rationalisation des dépenses publiques, de même que la recherche des voies et moyens supplémentaires d’accroitre les ressources publiques. S’agissant de la réduction des dépenses publiques, j’ai fermement réitéré au Gouvernement mes instructions antérieures visant à réduire les dépenses de fonctionnement. La lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics est, très clairement, un impératif pour la préservation des ressources publiques. Elle va connaître une intensification notable au cours de l’année qui s’annonce », promettait Paul Biya. Constat fait, si aucune mesure particulière de lutte contre la corruption n’a été mise sur pied au cours de l’année qui s’achève, le gouvernement a explosé ses dépenses publiques pour l’année 2025.

Les « achats de services » en 2025 vont connaitre une augmentation de près de 50 milliards de FCFA, passant de 487,8 milliards de FCFA en 2024 à 536,5 milliards de FCFA en 2025.

En 2025 toujours, le gouvernement entend dépenser pratiquement deux fois plus d’argent pour la « communication et les relations publiques », que pour la formation de son personnel. En effet, les dépenses de communication-relations publiques sont projetées à la hausse à 63,4 milliards de FCFA en 2025 (contre 60,9 milliards de FCFA en 2024), alors qu’une allocation de 35,2 milliards de FCFA (contre 31,7 milliards en 2024) est annoncée pour les « frais de formation du personnel ». « Les frais de transport et de mission » sont projetés à 70,8 milliards de FCFA en 2025, contre 67,3 milliards de FCFA en 2024, révélant une hausse de 3,5 milliards de FCFA.

Les factures d’eau, d’électricité et d’autres sources d’énergie sont projetées à 74,7 milliards de FCFA, contre 71,3 milliards de FCFA un an plus tôt.

Système judiciaire

En pleine crise du système judiciaire et l’effondrement croissant du climat des affaires, Paul Biya s’est montré déterminé à remettre de l’ordre. « L’amélioration du climat des affaires est, à l’évidence, une condition essentielle à l’attraction des investissements étrangers, ainsi qu’à la création d’un secteur privé vigoureux, susceptible, grâce à une création dynamique d’emplois et de richesses, de faciliter notre accession à l’émergence…La confiance dans le système judiciaire participe inévitablement de la perception du climat des affaires. La justice est, comme vous le savez, l’un des piliers de l’Etat de droit. Il est donc impératif qu’elle agisse en toute impartialité et soit imperméable aux interférences de toute nature. Je voudrais vous assurer, qu’en tant que garant de son indépendance, je continuerai à prendre toutes les mesures nécessaires à son bon fonctionnement ». Mais à vrai dire, la justice et donc climat des affaires se sont davantage effondré au courant de l’année qui s’achève. Selon le ministre de la Justice Laurent Esso, qui s’exprimait le 27 juin 2024 devant le Sénat, sur les 1 784 magistrats en poste au Cameroun, 865 font l’objet de procédures d’enquête disciplinaire. Mais des sanctions appropriées tardent à cause de la non tenue du Conseil supérieur de la magistrature.

Dialogue avec les enseignants au poids mort

Toujours aussi prévenant lors de ses prises de parole, Paul Biya a annoncé de nouvelles mesures pour résoudre le problème des enseignants. « Un dialogue constructif se poursuivra par ailleurs avec les syndicats reconnus, pour progresser sereinement vers la prise en compte des aspirations et des préoccupations des enseignants », a promu Paul Biya dans son optimisme habituel. Seulement les lignes n’ont pas réellement bougé en 2024. Le bras de fer engagé depuis le 21 février 2022, par les enseignants a certes fléchi à cause notamment de l’usure du temps, les trahisons, les menaces ainsi que les sanctions des autorités, mais les revendications restent les mêmes : paiement de la dette, l’adoption d’un statut particulier pour les enseignants, ou encore la tenue d’un forum national de l’Éducation.

Joseph Essama

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