L’État du Cameroun est une nouvelle fois traîné en justice par un investisseur étranger. Actis, actionnaire majoritaire d’Eneo, la principale entreprise d’électricité du pays, réclame 186 milliards de FCFA d’arriérés et menace de recourir à l’arbitrage international. Une situation qui met en lumière l’incurie financière du gouvernement et l’échec des privatisations dans le secteur énergétique.

Une dette abyssale et une menace judiciaire

Depuis plusieurs années, l’État et ses entités publiques accumulent des dettes envers Eneo, plombant sa trésorerie et menaçant son fonctionnement. Ces arriérés, qui incluent des factures d’électricité impayées, des remboursements de TVA et des compensations tarifaires non versées, s’élèvent désormais à 186 milliards de FCFA. Face à l’inaction du gouvernement, Actis a mis le Cameroun en demeure de payer cette somme sous peine de poursuites judiciaires devant des instances d’arbitrage international.

Ce recours est basé sur l’Accord de promotion et de protection des investissements signé en 1982 entre le Royaume-Uni et le Cameroun. Une telle procédure risquerait d’entacher encore davantage l’image du pays, déjà marqué par des scandales de mauvaise gouvernance et de non-respect des engagements contractuels.

L’échec d’une privatisation précipitée

La crise actuelle est l’aboutissement logique de la privatisation d’Eneo en 2001. En confiant la gestion de l’électricité à des acteurs privés sans un cadre clair et rigoureux, l’État camerounais a créé un monstre à deux têtes : d’un côté, un investisseur soucieux de rentabiliser ses parts et de l’autre, un gouvernement qui refuse de payer sa propre consommation.

Cette incohérence a progressivement vidé Eneo de ses capacités d’investissement et de maintenance. Résultat : coupures intempestives, équipements vétustes et incapacité à répondre à la demande croissante. Actis, qui avait pris le contrôle d’Eneo en 2014 après le départ d’AES Corporation, s’est finalement retrouvé dans une impasse financière et cherche à se retirer du marché en vendant ses parts à l’État camerounais.

Face à cette crise, le gouvernement camerounais a entamé des négociations pour racheter les 51% de parts détenues par Actis dans Eneo. Officiellement, cette initiative vise à reprendre le contrôle d’un secteur vital et à mettre fin aux conflits financiers avec l’actionnaire privé. Mais dans un pays où la gestion publique est gangrenée par l’incompétence et la corruption, cette renationalisation risque de transformer Eneo en un gouffre financier supplémentaire.

Loin d’être une solution miracle, ce rachat pourrait accentuer les difficultés si les mêmes pratiques de mauvaise gouvernance perdurent. Qui financera la modernisation des infrastructures ? Comment éviter que l’État ne devienne lui-même le bourreau d’Eneo en refusant encore de payer ses factures ?

Un message désastreux aux investisseurs

Le différend entre Actis et le Cameroun est un nouvel exemple de la manière dont le pays décourage les investisseurs étrangers. Après avoir attiré des capitaux privés sous le prétexte d’une meilleure gestion, l’État finit par accumuler des dettes, créer des tensions et pousser les partenaires à la sortie.

Ce schéma s’est déjà répété avec d’autres entreprises privatisées, notamment dans les secteurs des transports et des télécommunications. À terme, cette instabilité pourrait coûter cher au Cameroun, en réduisant l’attrait du pays pour les financements étrangers et en aggravant la crise des infrastructures.

L’affaire Actis-Eneo est symptomatique d’un État qui refuse de jouer son rôle de garant économique et contractuel. Tant que les réformes structurelles ne seront pas mises en place pour assurer une gestion transparente et efficace du secteur de l’électricité, les Camerounais continueront de subir des coupures intempestives pendant que leur gouvernement accumule des litiges financiers.

Charles Chacot CHIME

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