
Dans un contexte politique camerounais déjà marqué par des tensions et des polarisations, le professeur Maurice Kamto, leader charismatique de l’opposition et président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), a décidé de réagir face à ce qu’il qualifie de « campagne médiatique orchestrée » à son encontre. Ce vendredi 14 mars 2025, par l’entremise du Collectif Sylvain SOUOP dirigé par l’avocat Hippolyte B.T. MELI, Maurice Kamto a officiellement saisi le Conseil National de la Communication (CNC), l’instance de régulation des médias au Cameroun, pour dénoncer les pratiques de neuf organes de presse qu’il accuse de diffamation et de désinformation.
Cette plainte, bien que symbolique, met en lumière les défis auxquels Maurice Kamto et son parti font face depuis leur entrée sur la scène politique. Elle soulève également des questions cruciales sur l’éthique journalistique, la liberté de la presse et les limites de la responsabilité médiatique dans un pays où les lignes entre information et propagande semblent parfois floues.
Les faits reprochés : une presse accusée de désinformation
Le Collectif Sylvain SOUOP, représentant Maurice Kamto et le MRC, a déposé une plainte contre neuf médias et leurs directeurs de publication. Ces derniers sont accusés d’avoir publié, le 7 mars 2025, des articles « inexacts, non vérifiés et diffamatoires » liant Maurice Kamto et son parti aux incidents survenus à Bruxelles les 28 février et 3 mars 2025. Ces événements, qui ont défrayé la chronique, ont vu des personnalités officielles camerounaises être prises pour cible dans des scènes d’enfarinage, des actes jugés humiliants et dégradants.
Selon la plainte, ces médias ont relayé des informations sans enquête préalable, accusant Maurice Kamto d’être l’instigateur ou le commanditaire de ces actes. Le Collectif Sylvain SOUOP reproche notamment à ces organes de presse deux griefs majeurs :
- La publication d’informations inexactes, non vérifiées et diffamatoires ;
- Le « bidonnage » d’informations visant à semer la confusion et à porter atteinte à la réputation de Maurice Kamto et du MRC.
Parmi les médias mis en cause figurent des titres bien connus du paysage médiatique camerounais, tels que Info Matin, L’Expression, Génération Libre, Le Quotidien, Réalités Plus, The Reporter, News Watch, Le Soir et Le Pélican. Les directeurs de publication de ces organes sont directement visés par la plainte.
Des récidivistes parmi les accusés
La plainte met en avant un élément particulièrement préoccupant : trois des médias accusés sont des récidivistes en matière de manquements à l’éthique journalistique. En effet, Le Quotidien, L’Expression et Le Pélican avaient déjà été sanctionnés par le CNC en juillet 2022 pour des pratiques similaires. À l’époque, ces médias avaient été épinglés pour leur manque de rigueur dans l’investigation et leur incapacité à présenter une information équilibrée, portant préjudice à Maurice Kamto et au MRC.
Cette récidive soulève des questions sur l’efficacité des sanctions précédemment infligées et sur la volonté réelle de certains médias de respecter les règles déontologiques de la profession. Pour le Collectif Sylvain SOUOP, il est essentiel que le CNC prenne des mesures plus fermes cette fois-ci pour mettre un terme à ces dérives.
Un climat politique tendu
La plainte de Maurice Kamto intervient dans un contexte politique déjà très tendu au Cameroun. Depuis plusieurs années, le leader de l’opposition est régulièrement la cible de critiques et d’attaques, tant de la part du pouvoir en place que de certains médias considérés comme proches du gouvernement. Ces attaques médiatiques, souvent perçues comme des tentatives de discréditer l’opposition, alimentent un climat de défiance et de polarisation dans le pays.
Les incidents de Bruxelles, qui ont servi de prétexte aux publications incriminées, ont exacerbé ces tensions. Les scènes d’enfarinage, largement diffusées sur les réseaux sociaux, ont été interprétées de manière divergente : pour certains, il s’agissait d’un acte de protestation légitime contre un pouvoir autoritaire ; pour d’autres, d’une attaque inacceptable contre des représentants de l’État. Dans ce contexte, les médias accusés ont choisi de pointer du doigt Maurice Kamto, sans apporter de preuves tangibles de son implication.
Les enjeux de la plainte
Au-delà des griefs spécifiques évoqués dans la plainte, cette démarche soulève des questions plus larges sur le rôle des médias dans une démocratie. La liberté de la presse est un pilier essentiel de tout État de droit, mais elle s’accompagne d’une responsabilité : celle de vérifier les informations et de les présenter de manière équilibrée. Lorsque cette responsabilité n’est pas assumée, les médias risquent de devenir des outils de manipulation et de désinformation, nuisant à la crédibilité de la profession et à la confiance du public.
Pour Maurice Kamto et le MRC, cette plainte est également une manière de se défendre contre ce qu’ils considèrent comme une tentative de sabotage politique. En saisissant le CNC, ils espèrent non seulement obtenir justice, mais aussi envoyer un message clair : les attaques infondées et les campagnes de diffamation ne resteront pas impunies.
Les attentes du Collectif Sylvain SOUOP
Le Collectif Sylvain SOUOP a exprimé son attente que le CNC prenne des sanctions proportionnées à la gravité des manquements constatés. Tout en respectant l’indépendance rédactionnelle de chaque média, le Collectif demande que des mesures soient prises pour garantir que de tels écarts ne se reproduisent plus à l’avenir. Par ailleurs, Maurice Kamto et ses avocats n’excluent pas de recourir à d’autres voies légales si nécessaire.
Un test pour la régulation des médias au Cameroun
Cette plainte représente un test important pour le Conseil National de la Communication. En tant qu’instance de régulation, le CNC a pour mission de veiller au respect des règles déontologiques par les médias et de garantir un environnement médiatique sain et équilibré. Sa réponse à cette plainte sera scrutée avec attention, non seulement par les parties concernées, mais aussi par l’ensemble de la société camerounaise.
Dans un pays où la liberté de la presse est souvent mise à mal, cette affaire pourrait constituer un tournant. Elle rappelle que, si les médias ont le droit de critiquer et d’enquêter, ils ont aussi le devoir de le faire avec rigueur et impartialité. Pour Maurice Kamto, c’est une bataille de plus dans son combat pour la démocratie et la justice au Cameroun. Pour les médias, c’est une occasion de réfléchir à leur rôle et à leurs responsabilités dans un contexte politique de plus en plus complexe.
L’opinion publique, quant à elle, attendra avec impatience les suites de cette affaire, espérant que la vérité et la justice prévaudront.
Emmanuel Ekouli