Le ministère des Armées, des Anciens combattants et des Victimes de guerre a annoncé ce [jour] une sanction sans précédent contre le général Abdelrahim Bahar Mahamat Itno, accusé d’avoir tenu des propos séditieux dans un message vocal diffusé sur WhatsApp. Selon un communiqué officiel, l’officier a été « rétrogradé au grade de soldat de 2e classe et radié des effectifs des Forces de Défense et de Sécurité pour faute grave ».

Un enregistrement explosif

La décision des autorités fait suite à la diffusion d’un message audio dans lequel le général aurait exprimé son intention de renverser le président de la Transition, Mahamat Idriss Déby Itno, au profit d’Idriss Youssef Boy, une figure politique tchadienne. L’enregistrement, partagé dans un groupe privé nommé Beri Média, aurait rapidement circulé avant d’être porté à la connaissance des services de sécurité.

Les propos tenus dans cet audio, qualifiés d’« acte de sédition » par le ministère, ont été jugés comme une menace directe contre la stabilité du régime en place. Bien que le contenu exact du message n’ait pas été rendu public, des sources militaires évoquent des déclarations appelant à un changement de pouvoir par des moyens non constitutionnels.

Une sanction symbolique et politique

La rétrogradation du général Abdelrahim Bahar Mahamat Itno au rang de simple soldat est une mesure rare, voire inédite, dans l’histoire militaire tchadienne. Elle témoigne de la sévérité avec laquelle les autorités entendent réprimer toute velléité de contestation au sein de l’armée, institution clé du pouvoir depuis des décennies.

Cette sanction intervient dans un contexte politique tendu, marqué par une transition controversée depuis la mort du maréchal Idriss Déby Itno en avril 2021. Son fils, Mahamat Idriss Déby Itno, a pris les rênes du pays à la tête d’un Conseil militaire de Transition (CMT), promettant des élections démocratiques. Cependant, l’opposition et une partie de la société civile dénoncent un verrouillage progressif des libertés et une militarisation accrue du pouvoir.

Idriss Youssef Boy, l’homme au centre de la polémique

La mention d’Idriss Youssef Boy dans cette affaire ajoute une dimension politique supplémentaire. Ancien cadre du régime Déby, Boy est perçu comme un rival potentiel, bien que son influence réelle reste difficile à évaluer. Son nom, associé à des rumeurs de complot, pourrait être utilisé pour justifier une répression accrue contre d’éventuels opposants au sein de l’appareil d’État.

Certains observateurs estiment que cette affaire pourrait aussi servir à envoyer un message clair aux officiers tentés de critiquer le pouvoir en place. Le Tchad, allié stratégique dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, reste un pays où l’armée joue un rôle central, et toute division en son sein représente un risque majeur pour la stabilité du régime.

Réactions et implications

Pour l’instant, aucune réaction officielle n’a été enregistrée de la part du général sanctionné ou de ses proches. Cependant, cette décision pourrait susciter des tensions silencieuses au sein des Forces armées, où les luttes d’influence sont fréquentes.

Sur les réseaux sociaux, certains internautes tchadiens s’interrogent sur la véracité des accusations, tandis que d’autres y voient une preuve de la fragilité du régime actuel. « Quand un général est réduit au rang de simple soldat pour un message audio, c’est que le pouvoir a peur », commente un activiste sous couvert d’anonymat.

Vers un durcissement du régime ?

Cette affaire s’inscrit dans une série de mesures répressives observées ces derniers mois, avec des arrestations de militants, des restrictions sur la presse et maintenant des purges au sein de l’armée. Alors que la communauté internationale suit de près l’évolution de la transition tchadienne, les autorités semblent déterminées à éliminer toute velléité de dissidence, y compris dans leurs propres rangs.

La rétrogradation spectaculaire du général Abdelrahim Bahar Mahamat Itno pourrait donc être le prélude à une nouvelle phase de consolidation autoritaire, dans un pays où l’armée reste l’arbitre ultime du jeu politique.

Emmanuel Ekouli

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