Alors que le Cameroun s’enfonce dans une crise multidimensionnelle, les autorités de Yaoundé orchestrent un véritable mépris des priorités nationales. Le projet pharaonique de mobilisation « 100 000 jeunes unis derrière Paul Biya », prévu du 8 au 10 mai 2025 dans l’Extrême-Nord, cristallise l’indécence d’un pouvoir accroché à ses privilèges. Avec un budget estimé à 1,347 milliard de FCFA pour trois jours de propagande, ce machin politique symbolise l’arrogance d’une élite sourde aux souffrances d’un peuple abandonné .

Un budget obscène dans un pays en lambeaux

Pendant que des millions de Camerounais luttent pour survivre sans eau potable, électricité, ou écoles dignes de ce nom, le régime Biya dépense sans compter pour acheter une légitimité érodée. Dans l’Extrême-Nord, région marginalisée depuis des décennies, les organisateurs promettent un « show » de soutien au président, dont le parti, le RDPC, peine à masquer ses divisions internes . Pourtant, cette même région est rongée par la famine, l’insécurité, et des infrastructures en ruine – un tableau dénoncé par la jeunesse locale, qui exige des « microprojets utiles plutôt que des slogans politiques » .

Les critiques fusent : « Pourquoi ne pas lancer l’opération 100 000 actes de naissance ou 10 000 tables-bancs ? », interrogent des acteurs de la société civile, rappelant que 47 % des enfants de la région n’ont pas d’état civil . Un contraste saisissant avec les promesses de Biya, qui, dans son discours de fin d’année 2024, vantait des projets miniers et agro-industriels toujours invisibles sur le terrain.

Le vieux Lion a t-il encore le contrôle de son appareil ?

Misère institutionnalisée, colère populaire

Le Cameroun est un pays où les immondices envahissent les rues, où les hôpitaux manquent de médicaments, et où les coupures d’électricité sont érigées en norme. Les régions du Grand-Nord, pourtant présentées comme des bastions électoraux du régime, sont les premières victimes de cette incurie. « Nous sommes abandonnés depuis 40 ans », clame Inoussa Moussa, porte-parole de la Jeunesse Solidaire du Grand-Nord, dénonçant une « paupérisation organisée » .

Pendant ce temps, Yaoundé cultive l’opacité. Le budget 2024, censé prioriser la « cohésion sociale » et la reconstruction des zones en crise, reste lettre morte dans le Nord-Ouest et l’Extrême-Nord, pourtant cités dans les directives présidentielles . Les fonds publics, détournés ou gaspillés, alimentent un système clientéliste où les « politiciens véreux » – pour reprendre l’expression du ministre Paul Atanga Nji – musèlent toute opposition .

Répression et diversion : les armes d’un pouvoir moribond

Face à la grogne, le régime répond par la menace. Le ministre de l’Administration Territoriale, Paul Atanga Nji, multiplie les avertissements contre les « irresponsables » qui osent critiquer le pouvoir, tandis que des figures de l’opposition comme Maurice Kamto sont criminalisées . Albert Ndzongang, conseiller de Kamto, résume l’atmosphère : « Vous n’aurez pas assez de prisons pour nous tous » .

La mascarade du 10 mai s’inscrit dans cette logique de diversion. Alors que des dignitaires du RDPC, comme Cavaye Yeguie Djibril, tentent de légitimer l’événement, des faux communiqués et des démentis trahissent les fractures au sein du parti . Une stratégie risible, alors que la population, exsangue, ne croit plus aux miracles électoraux.

L’heure des comptes

Le projet de manifestation à Maroua n’est pas qu’un scandale financier – c’est le symptôme d’un État en déliquescence. Alors que Biya, 92 ans, se projette dans un huitième mandat, les Camerounais paient le prix d’un système où la corruption et l’impunité sont érigées en mode de gouvernance. La jeunesse, instrumentalisée pour des parades politiques, exige désormais des actes : écoles, hôpitaux, emplois.

Dans un pays où 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, dépenser des milliards pour une mise en scène électorale relève de la provocation. Comme le souligne un activiste : « Ce régime est une catastrophe. La vraie révolution sera celle des urnes en octobre » . Reste à savoir si le peuple, étouffé mais résistant, parviendra à tourner la page de 43 ans de « renouveau » factice.

Cet article s’appuie sur des témoignages locaux et des rapports documentés, reflétant l’urgence d’un sursaut national face à l’indifférence des élites.

Emmanuel Ekouli

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