Il est des moments où les mots n’ont plus aucune valeur, surtout quand on en a abusivement fait usage et que ceux à qui ces mots sont adressés sont las d’attendre les effets que les mots ont pendant trop longtemps annoncé et à répétition.

En cette année où le peuple camerounais attend de choisir celui qui, selon sa constitution, va présider à son destin pendant les sept prochaines années, il est logique que l’on se pose des questions sur les candidats qui se déclarent pour se présenter aux suffrages de leurs concitoyens. Un exercice qui en soi n’est pas compliqué parce qu’ils se bousculent. Il se complexifie à partir du moment où certains selon la loi, sont disqualifiés, de leur propre fait des choix qu’ils ont délibérément faits dans le passé et qui les rattrapent, mais font preuve d’une opiniâtreté assez incompréhensible, allant jusqu’à la menace, si leur candidature venait à être rejetée, d’autres encore, qui en parlent, le souhaitent, se veulent partant mais se savent hors course, à moins que l’on ne change la loi électorale.

Le juge du contentieux électoral aura du pain sur la planche. Par contre, il en est un, dont la candidature ne saurait souffrir d’aucune contestation, mais se fait courtiser. Du coup, on ne peut que s’appesantir sur celui-ci pour qui tout devrait aller de soi : le candidat du parti au pouvoir, le Président de la République. Paul Biya, puisqu’il s’agit de lui, est selon la loi fondamentale, la loi électorale, les lois et règlements internes à son parti, le seul dont la candidature est des plus assurées, si elle était présentée, de ne pouvoir connaitre la moindre difficulté à être retenue. La particularité de ce candidat est qu’il est au pouvoir sans discontinuité depuis presque quarante-trois ans. Les règlements internes de son parti, le RDPC, stipulent qu’en sa qualité de président national du parti, il est le candidat de celui-ci à l’élection présidentielle, le Cameroun ne connaissant pas la limitation des mandats présidentiels.

L’incompréhension vient donc de ce que les responsables de ce parti, qui savent tout ceci, se sentent obligés de lui demander, en le suppliant pratiquement, de se présenter à cette élection où sa candidature est pour ainsi dire, naturelle, incontestable et autant le dire, acquise. Cette situation qui est totalement irrationnelle mériterait que l’on s’y arrête un tout petit peu. Comment en est-on arrivé à demander à quelqu’un qui sait ce qu’il a à faire, l’importance qu’il a à le faire et son intérêt à titre personnel s’il se décidait à le faire, si on sait que ce n’est pas nécessaire, comme s’il y avait un doute qui planerait et qui fait que celui-ci puisse décider de ne pas le faire ? Pourquoi quelqu’un, qui n’a jamais manifesté la moindre velléité de changer les lois de son parti qui font de lui le seul candidat à l’élection présidentielle aurait-il besoin qu’on lui demande d’être candidat à une élection à laquelle il est le candidat incontestable, voire incontournable ? De deux choses l’une : soit Paul Biya n’est plus capable de décider par lui-même au point où ceux de son parti doivent donner l’impression que le Cameroun ne peut marcher sans lui à sa tête et donc, il faut le lui rappeler et le dire, ce qui semble vouloir dire qu’ils seraient justement les premiers à ne pas le vouloir. Ils souhaiteraient plutôt le contraire de ce qu’ils lui demandent à cor et à cri ; soit alors, il s’agirait d’une tentative manifeste et grossière de manipuler le peuple, surtout les militants de ce parti. Dans les deux cas la démarche est maladroite et insultante pour ceux qui se livrent à cette mascarade qui fait montre d’un manque de respect à l’endroit d’un peuple qui n’a encore rien demandé jusqu’ici. Dès lors, il est loisible de penser que ce sont ceux qui jouent à ce jeu malsain qui ont tout intérêt à cette candidature et tentent de pousser quelqu’un qui ne devrait avoir besoin d’aucun rappel en pareille circonstance, en jouant sur le culte de la personnalité, l’égo et autres flatteries, pour le pousser à ne plus avoir d’autre choix que de céder ou de se déclarer non partant.

Ce ne sont pas les raisons qui manquent pour cela. Il y a plus pernicieux, et c’est ce que pense le plus grand nombre : ce sont ceux qui sont à la manœuvre de cet appel à candidature qui ont un plus grand intérêt à ce que Paul Biya, 92 ans, soixante-trois ans de haute administration dont presque quarante-trois à la tête de l’Etat, se prononce pour leur permettre de se réajuster quand il est encore temps, car, visiblement, le poids de tout ceci pèse sur l’homme et eux, veulent savoir à quoi s’en tenir. Il est vital pour eux que Paul Biya dise quelque chose à ce sujet et le temps ne semble pas être leur allié.

​Par amour pour son pays et son peuple, que devrait faire le Chef de l’Etat ? Une question qui en vaudrait bien une ou plusieurs autres, qui du reste, ont déjà été posées, de façon sectorielle ou de manière orientée à d’autres moments. Plusieurs réponses sont aussi envisageables mais comme il est pratiquement impossible de les poser directement à leur illustre destinataire, il est préférable de les laisser poser, elles pourraient peut-être susciter une hypothétique réaction. La première chose dont devrait faire montre le Président au moment de répondre à ces appels supposés de la base est de se poser la question suivante : pour les sept dernières années qui s’achèvent et qui m’ont été confiées par mon peuple, par amour pour moi et par confiance en moi, quel est mon bilan ? Bien entendu, dans l’espoir qu’il a encore toute la lucidité de pouvoir faire cette introspection sans concession. Il faudrait en outre qu’il dispose des éléments vrais et fiables, éléments que ceux qui le poussent et veulent l’obliger à se présenter à sa succession ou à se prononcer quant à celle-ci, doivent bien se garder de lui fournir et à la place, lui présenteraient d’autres totalement tronqués, qui cadrent mal avec la réalité. A moins qu’il ne veille se tromper lui-même, il faudrait lui accorder le bénéfice du doute.

Personne ne peut prétendre sauf à faire preuve de mauvaise foi de façon flagrante, que cette réalité est à l’avantage de son gouvernement, loin s’en faut. Dans le doute, le mieux ne serait-il pas de s’abstenir, par amour pour ce peuple qui vous a toujours manifesté son soutien, monsieur le Président ? L’autre disposition qu’il faudrait observer et qui cadre avec l’individu serait : comment vous sentez-vous, monsieur le président ? A moins que ce soit une prescription médicale ou divine pour vous et pour votre pays, que peut-il arriver de vraiment dommageable au pays ou à vous-même, si vous n’êtiez plus à la tête de l’Etat ? Et enfin, sans être la fin, si vous reconnaissez vous-même que la retraite n’est pas une sanction, ne trouvez-vous pas que par réciprocité à cet amour pour vous, manifesté par ce peuple et pour les combats qu’ensemble vous avez réussi à mener avec succès, il soit déjà temps pour vous de penser à « rentrer au village », vous reposer ? Une dernière question : à l’observation de l’homme sage, sagesse que l’on doit incontestablement vous reconnaitre, qui a dirigé le parti depuis sa création ou sa mutation, selon le vocable que l’on choisit, vous avez vu des générations, certaines sont passées, d’autres sont présentes, n’y trouvez-vous personne, qui sous votre éclairage et pendant le temps qu’il vous sera encore donné de vivre et de disposer de la santé nécessaire, serait capable de conduire le pays et le parti ? Si à cette dernière question, la réponse ne vous parait pas évidente alors, on peut dire que si votre peuple vous a aimé, la réciproque ne serait pas aussi évidente que ça. Vous êtes un sage, vous avez la réponse à ces préoccupations et à bien plus encore.

FM de B

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