
Breaking news en provenance directe de la République de Scandalousie : le 25 avril prochain, on ne votera pas une loi capitale, on ne débattra pas des maux du peuple. Ce jour-là, on baptisera un bâtiment. Et pas n’importe lequel : le flamboyant siège de l’Assemblée nationale, désormais nommé Palais des Verres Paul Biya. Oui, Paul Biya. Le président omniprésent dans les discours, mais toujours invisible en personne.
Ironie politique : ce joyau censé incarner la transparence démocratique portera le nom de l’homme le plus énigmatique du pays. Un président dont le silence est un art martial, et l’éloignement, un principe de gouvernement. Transparence ? Oui, transparence des vitres peut-être, mais sûrement pas des pratiques.
Et comme une cerise sur le koki, Paul Biya lui-même sera très probablement… absent. Fidèle à la tradition. Comme lors des anniversaires qu’on lui organise à coups de chants, de danses, de déclamations et de tapis rouges, pendant qu’il regarde, peut-être, la scène à travers l’écran du Palais, entre deux silences d’État.
Mais attention ! Ne vous y trompez pas. Cette inauguration n’est pas qu’un rituel républicain. C’est une répétition générale avant l’élection présidentielle d’octobre. Des danses traditionnelles en pagnes floqués RDPC, des slogans en l’honneur du chef éternel, des “militants spontanés” surgis de nulle part… Et à la fin, le cachet : deux billets de 1000 FCFA glissés dans des mains opportunément militantes, juste pour ça !
Le décor est prêt : chaises blanches, tentes géantes, ballets folkloriques au service du trône. Les vrais citoyens ? Spectateurs d’un théâtre dont les acteurs principaux sont des professionnels du zèle et des acrobates de la flatterie.
On aurait pu baptiser ce complexe Maison du Peuple. Mais non. Parce qu’ici, le peuple est un troupeau de moutons. Il regarde, paie de lourds impôts, subit le diktat des gouvernants, ploie sous le poids de la misère, mais ne rompe pas. L’Assemblée nationale ? Désormais une extension climatisée de la présidence, et le nom de ce nouveau joyau est un rappel brutal : le Parlement n’est plus qu’une chambre d’écho aux silences d’Etoudi.
Ce 25 avril, donc, la grand-messe aura lieu. Députés alignés comme des élèves devant le pion suprême, ministres sur-maquillés pour la caméra, chefs traditionnels en pagne d’apparat, des diplomates pour le décor. Des discours dithyrambiques, des sourires forcés, des applaudissements mécaniques. Et au milieu de tout ça, l’absence… majestueuse. Comme d’habitude.
Et vous, peuple ? Vous applaudirez aussi pour ce joyaux architectural entièrement construit et offert par les chinois, pour la rondelette somme de 55 milliards. C’est donc un don chinois ! La contrepartie, aussi opaque que les eaux troubles du Mfoundi.
Entre deux coupures d’eau et d’électricité, et trois tickets de grève des enseignants, le peuple va visionner son théâtre politique. Hélas !
Ici, on érige des palais pour mieux enterrer les principes. Le pouvoir législatif vient d’être vitrifié à jamais.
Charles Chacot Chime