
Depuis que la SONARA a décidé de partir en fumée en 2019, dans un incendie presque biblique, mais sans la rédemption, le Cameroun a opté pour une stratégie pétrolière digne des meilleurs sketchs de l’absurde : importer à prix d’or ce que d’autres pays voisins obtiennent à prix cassés. Pourquoi faire simple et économique quand on peut faire compliqué et dispendieux ?
En 2022, pendant que l’essence coûtait à l’importation autour de 1 016 FCFA le litre et le gasoil 1 027 FCFA, nos stations affichaient des prix bienveillants à 630 FCFA pour l’essence et 575 FCFA pour le gasoil. Oui, bienveillants… surtout pour les communicants du régime, qui justifiaient cela par une “généreuse” subvention étatique, en réalité un écran de fumée épais comme le budget d’un ministère. Parce que cette fameuse subvention, rappelons-le, cache un festin fiscal où impôts, taxes, marges opaques et commissions spéciales tiennent table.
Mais attention, bonne nouvelle (ou presque) : en 2025, on a progressé ! Grâce à une légère baisse des primes à l’importation, qui ne changent rien à la misère du peuple, les prix ont évolué pour atteindre des sommets… 840 FCFA pour l’essence, 828 FCFA pour le gasoil, et un très social 350 FCFA pour le pétrole lampant. Tout cela bien sûr dans un pays où le salaire minimum tourne autour de 36 000 FCFA. Une performance !
Et voilà qu’à côté, chez l’industriel Aliko Dangote, la raffinerie flambant neuve propose du carburant de qualité supérieure à 321 FCFA le litre (départ dépôt). Il faut croire que ce monsieur ne comprend rien à l’art de faire souffrir les populations tout en engraissant les réseaux. Ce carburant est en plus vendu en naira, une monnaie qui a la courtoisie d’être faible et donc économique, contrairement au dollar américain qu’on continue d’embrasser comme s’il s’agissait d’un billet bénit.
Mais là encore, ne rêvons pas. Le bon sens, dans la Scandalousie qu’est devenu le Cameroun, n’est pas une valeur d’État. Importer du carburant bon marché, par une route courte, à une devise faible, depuis un voisin francophone-friendly comme le Nigeria ? Sacrilège ! Cela mettrait à mal toute une chaîne de rétrocommissions, de contrats obscurs, et de lobbies bien nourris, notamment le très généreux Glencore, qui a eu l’élégance de reconnaître publiquement avoir arrosé à hauteur de 7 milliards FCFA nos chers responsables pour des marchés pétroliers bien juteux.
Mais chut, on ne demande surtout pas qui a reçu. L’affaire est close, et les coffres aussi. Justice muette, régime complice, et peuple pris à la pompe.
Au final, oui, Dangote aurait pu être une aubaine. Mais au Cameroun, le carburant de l’indignation reste le seul qui coule à flots.
Charles Chacot Chime