Le Mali a officiellement lancé ce jeudi une stratégie décennale ambitieuse, la Stratégie Nationale pour l’Émergence et le Développement Durable (SNEDD 2024-2033), mobilisant un investissement sans précédent de 61 232 milliards FCFA (environ 104 milliards USD). Ce plan, articulé autour de cinq piliers — souveraineté, gouvernance, croissance inclusive, capital humain et résilience environnementale — vise à restructurer en profondeur l’économie malienne, fragilisée par des crises sécuritaires, climatiques et socio-économiques récurrentes.  

Une réponse structurelle à des défis multiples

Dans un contexte où 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et où les chocs climatiques, comme les inondations de 2024, ont aggravé l’insécurité alimentaire, le SNEDD se présente comme un cadre intégrateur. Il prévoit notamment :  

1. Renforcer la souveraineté économique via l’autosuffisance agricole et énergétique.  

2. Assainir la gouvernance par une gestion transparente des finances publiques, alignée avec les réformes exigées par le FMI dans le cadre d’un prêt de 129 millions USD accordé le même jour .  

3. Stimuler la croissance via des investissements dans les infrastructures et le secteur privé.  

4. Développer le capital humain grâce à l’éducation et la santé, ciblant notamment les populations vulnérables.  

5. Accroître la résilience climatique par la gestion durable des ressources et des programmes d’adaptation.  

Un financement hybride et des réformes audacieuses

Si l’État malien assume l’essentiel des fonds, le soutien international complète ce montant pharaonique. Le prêt du FMI, par exemple, est conditionné à des mesures d’austérité et de transparence budgétaire, ainsi qu’à la protection sociale des plus démunis — une synergie avec le SNEDD . Par ailleurs, la stratégie table sur des partenariats public-privé pour moderniser des secteurs clés comme l’agro-industrie ou les énergies renouvelables.  

Mody Cissé, ministre de l’Économie et des Finances, souligne : « Le SNEDD n’est pas un simple plan de relance, mais une refonte totale de notre modèle de développement. Nous misons sur une économie résiliente, moins dépendante de l’aide extérieure. »

Des défis persistants malgré l’ambition

Si les objectifs sont louables, leur réalisation dépendra de la capacité du Mali à juguler l’instabilité sécuritaire dans le Nord, à lutter contre la corruption et à attirer des investisseurs étrangers. Le FMI note d’ailleurs que le risque de surendettement, bien que modéré, s’est accru depuis 2023, nécessitant une vigilance accrue .  

Perspectives et retombées attendues

À horizon 2033, le gouvernement escompte :  

– Une croissance annuelle moyenne de 7 %, contre 3,5 % en 2024.  

– création de 500 000 emplois directs, notamment dans l’agriculture et les TIC.  

– Une réduction de 40 % de la pauvreté, via des filets sociaux et l’accès aux services de base.  

– Le triplement de la production énergétique, avec 60 % issue de sources renouvelables.  

Aïssata Touré, experte en développement à la Banque mondiale, tempère : « La clé réside dans l’exécution efficace des projets. Le Mali doit éviter les retards bureaucratiques et garantir une allocation optimale des fonds. »

Un pari sur l’avenir

Avec le SNEDD, le Mali affiche une volonté de rupture avec les modèles économiques hérités de la colonisation et des ajustements structurels des années 1990. Reste à voir si cette feuille de route, l’une des plus ambitieuses du continent, parviendra à concilier urgences immédiates et vision long-termiste — un équilibre délicat pour un pays.

Emmanuel Ekouli

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