
Foumban, Cameroun – Dans la nuit du lundi à mardi, un géant centenaire a tragiquement changé le destin du centre médical d’arrondissement de Koukouet-Maloum. Un baobab monumental, déraciné par des pluies diluviennes, s’est abattu sur le bâtiment principal de l’hôpital, provoquant un chaos glaçant : au moins un mort, des dizaines de blessés et des interrogations qui hantent désormais la cité royale des Bamoun. Alors que les secours s’activent sur les lieux, un vent de mystère souffle sur Foumban, réveillant des murmures ancestraux liés à la sorcellerie.
Un drame sous les trombes d’eau
Vers 3 heures du matin, une violence inouïe s’est invitée dans la quiétude de Foumban. La pluie, tombée sans relâche pendant des heures, a eu raison des racines du baobab, symbole de vie devenu messager de mort. L’arbre sacré, qui veillait depuis des générations sur le quartier, a fracassé le toit de l’aile pédiatrique et des salles d’urgence, piégeant patients et soignants sous les décombres. « C’était un vacarme apocalyptique. On a cru à un tremblement de terre », témoigne un habitant, encore sous le choc.
Les premiers secours, dépêchés à l’aube, ont extrait une victime sans vie et une quinzaine de blessés graves, évacués vers d’autres structures. Parmi eux, des enfants et des personnes âgées, alités pour des pathologies bénignes, désormais confrontés à des fractures et traumatismes. « Cet arbre était notre ombre protectrice… Qui aurait imaginé qu’il nous tuerait ? », murmure une infirmière, les yeux rivés sur les branches éventrées.

Le baobab mis en cause…
Le sultan des Bamoun en émissaire face au mystère
Ébranlé par la nouvelle, le sultan-roi SM Mouhammad-Nabil Mforifoum Mbombo Njoya s’est rendu sur place dès l’aube, entouré de conseillers et de chefs traditionnels. Vêtu de son ndop (toge royale), il a inspecté les dégâts, écouté les récits des survivants et ordonné un soutien immédiat aux familles affectées. « Sa présence est un baume pour nos cœurs, mais les questions restent », confie un notable local. Car derrière le drame « naturel », une autre histoire s’écrit en filigrane : celle d’une possible malédiction.
Foumban, cité-musée au passé mystique, est le berceau du peuple Bamoun, réputé pour son héritage ésotérique. Les baobabs y sont souvent perçus comme des gardiens spirituels. « Un arbre qui tombe sur un hôpital, un jour de pleine lune… Ce n’est pas un hasard. Quelqu’un a dérangé les esprits », affirme, sous anonymat, un guérisseur traditionnel. D’autres évoquent des rituels négligés ou des conflits fonciers ayant attiré la colère des ancêtres.
Entre enquête technique et rumeurs occultes
Si les autorités privilégient une piste météorologique – la saturation des sols après des semaines de pluies –, les équipes sur place scrutent aussi l’état sanitaire de l’arbre. « Aucun signe de maladie n’avait été signalé. Nous analyserons le système racinaire », explique un ingénieur agronome. Pourtant, dans les ruelles avoisinantes, les langues se délient : on parle de feux rituels éteints près du tronc, de sacrifices ignorés, ou même d’un mauvais sort jeté contre l’hôpital, récemment agrandi sur un ancien lieu de culte.
Le maire de Foumban, joint par téléphone, tempère : « Évitons les spéculations. Notre priorité est de sécuriser les sites publics et d’aider les victimes. » Une cellule psychologique a été mise en place pour apaiser les craintes, tandis que des experts évaluent la stabilité d’autres baobabs urbains.
Résilience et interrogations
Ce mercredi matin, sous un ciel redevenu clément, les habitants déposent des fleurs au pied du géant terrassé. Pour certains, sa chute marque la fin d’un cycle ; pour d’autres, le début d’une quête de vérité. « La science expliquera peut-être l’accident, mais notre âme collective a besoin de rites pour se purifier », souffle un ancien du village.
Alors que les fouilles se poursuivent et que le sultan promet une cérémonie propitiatoire, Foumban, entre modernité et traditions, cherche à reconcilier raison et croyances. Dans l’ombre du baobab martyr, la ville royale se souvient que même les symboles les plus solides peuvent se muer en énigmes. Et que sous chaque racine, dort peut-être un secret.
Les enquêteurs ont jusqu’à vendredi pour rendre leurs conclusions. En attendant, Foumban prie pour que les pluies prochaines ne charrient que de l’eau, et plus de mystères.
Emmanuel Ekouli