
CHRONIQUE DU SAMEDI EN SCANDALOUSIE
Dans cette contrée baptisée ironiquement République, le pouvoir n’est plus un instrument de transformation sociale. Il est devenu une chaise bien rembourrée, que l’on défend avec une ferveur religieuse, quitte à faire exploser la logique, la morale et, accessoirement, la Constitution.
À quoi bon le pouvoir, si ce n’est pour soigner les hôpitaux, éduquer les enfants, doter les routes de bitume plutôt que de slogans ? À quoi bon diriger, si ce n’est pour faire mieux que ceux d’hier ? En Scandalousie, l’essentiel est ailleurs : être en poste, y rester, et si possible y mourir.
La fonction est devenue une finalité en soi, un trophée de guerre politique, ou parfois même… un héritage. Ce n’est pas un ministère, c’est un patrimoine familial. Et ne vous avisez pas de demander des comptes, vous risqueriez d’apprendre que la seule urgence, c’est “l’unité nationale”.
Pendant ce temps, les priorités nationales ressemblent à un chapeau magique : tout est important, donc rien n’est urgent. On promet la rigueur, mais on recycle les incapables et les scandalousiens du CovidGate, de la CanGate… On parle de rupture, mais on reconduit les mêmes figures, comme si l’avenir ne pouvait exister qu’avec ceux qui ont déjà tout échoué.
Le pouvoir pour le pouvoir, voilà la doctrine. Gouverner ? Un détail. Communiquer ? Une obsession. Résoudre des problèmes ? Trop fatiguant. En revanche, organiser des meetings et pré campagnes voilés à coup de centaines de millions pour parler de la vision du chef, ça oui, on maîtrise !
Et quand les scandales éclatent, quand les audits accusent, quand les populations crient, on répond avec mépris ou silence. La chaise est plus importante que l’orage social. Parce qu’ici, mieux vaut être assis sur un fauteuil que debout avec le peuple.
Et comme si cela ne suffisait pas, à l’orée de la présidentielle d’octobre, des voix s’élèvent ou sont habilement contraintes, pour réclamer, sans la moindre pudeur intellectuelle, un énième mandat de sept ans pour un nanogérant grabataire. Oui, vous avez bien lu : nanogérant, car plus que jamais, le pays est géré à la loupe, dans les couloirs, par procuration. Et grabataire, parce qu’on célèbre l’immobilisme comme une vertu d’État.
Ces appels ne sont pas faits pour l’amour de la patrie, mais pour garantir que le trône reste occupé, afin que ses thuriféraires, une cohorte bien organisée, puissent continuer à piller les ressources nationales en toute quiétude et surtout pour s’assurer d’une justice aux ordres. Corruption, concussion, népotisme… voilà leur lot quotidien. Le pillage est devenu une méthode de gouvernance, et la loyauté envers le chef, une stratégie de survie politique.
Les vrais problèmes du pays ? Enterrés sous des discours creux, camouflés par des motions de soutien rédigées dans les facultés de droit public ou les salons climatisés d’un pouvoir qui préfère l’autosatisfaction à l’autocritique.
Alors que les patriotes scandent fièrement : « la patrie ou la mort, nous vaincrons », les Scandalousiens, eux, récitent leur propre devise : « le pouvoir ou le trône, nous mourrons… mais en poste ! » Ici, on ne sert pas la République, on s’y sert.
Charles Chacot Chimé