
Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (MINFOPRA) vient de signer, ce 2 mai 2025, une note d’information pour annoncer que 8.510 fonctionnaires des catégories A et B remplissent les conditions requises pour bénéficier d’un avancement de grade. Une bonne nouvelle en apparence, fruit d’une exploitation des données issues de l’application informatique AIGLES (Application de Gestion Logique des Effectifs et de la Solde).
Mais à y regarder de plus près, cette annonce révèle une contradiction flagrante : alors même que les services du ministère reconnaissent que les agents concernés sont déjà identifiés informatiquement, ces derniers sont néanmoins invités à constituer un dossier physique, comme au siècle dernier. Timbres, photocopies, attestations signées à la main… tout y passe. L’avancement, censé être automatique, se transforme une fois de plus en une course d’obstacles bureaucratiques.
À quoi bon l’information ?
AIGLES, censée être l’outil moderne par excellence, démontre ici son impuissance réelle. Pourquoi un agent public doit-il fournir une attestation de présence effective ou une copie de son acte d’intégration, alors que toutes ces données sont censées être stockées et traçables dans la base du MINFOPRA ? Si l’État a investi dans une solution numérique, ce n’est sûrement pas pour que celle-ci serve uniquement à « détecter » et non à enclencher un processus.
Une lourdeur administrative bien huilée
Ce retour systématique au dossier papier n’est pas une simple habitude : c’est un système. Un système qui crée de la lenteur, de l’intermédiation, du soupçon. Combien de dossiers égarés ? Combien de fonctionnaires contraints de « remettre un petit quelque chose » pour voir leur dossier évoluer ? Combien de chefs de service qui deviennent subitement indispensables pour une signature ou une recommandation ? Tout est fait pour que la complexité apparente masque une chaîne d’intérêts bien huilée.
La réforme administrative se mord la queue
Le plus ironique dans cette affaire, c’est que le ministère qui appelle à cette gymnastique kafkaïenne est celui en charge de la réforme administrative. Réforme ? On est loin du compte. À l’ère du numérique, un système comme AIGLES devrait permettre l’automatisation de l’avancement. Un clic, une vérification, et l’acte d’avancement devrait être généré et notifié à l’agent. Mais non : il faut encore courir, faire des copies, quémander des signatures, et se soumettre au bon vouloir d’un appareil administratif saturé, lent, et souvent corrompu.
Quand la paperasse devient suspecte
Ce genre de procédure, redondante et absurde, cache difficilement une volonté de maintenir un mode opératoire favorable à certains réseaux d’influence internes. Tant que l’on exige du papier, on exige du passage. Tant qu’on exige du passage, on légitime des mains tendues. Le Cameroun mérite mieux qu’une informatisation cosmétique, incapable de briser les chaînes de la bureaucratie paralysante.
Le véritable avancement, c’est celui de l’État
L’avancement de grade des agents ne devrait pas dépendre de leur capacité à monter un dossier, mais du bon fonctionnement du système qui les gère. Si l’État veut inspirer confiance, il doit s’appliquer à lui-même ce qu’il exige des citoyens : la cohérence, la transparence et l’efficacité. En 2025, aucun agent public ne devrait être appelé à déposer manuellement un dossier pour une procédure que l’administration peut enclencher d’un simple clic.
Charles Chacot Chimé