Chaque année au Cameroun, des milliers d’élèves en classe de Première s’arrêtent un instant dans leur parcours scolaire pour passer un examen : le probatoire. Un rite de passage imposé, stressant, coûteux, et dont l’utilité réelle suscite de plus en plus de questions. Pourquoi ce diplôme existe-t-il encore ? À quoi sert-il ? Et surtout : à qui profite-t-il ?

Un diplôme inutile dans la pratique

Le probatoire, censé attester qu’un élève peut passer en terminale, ne confère aucun niveau de compétence reconnu dans le monde du travail. Il ne donne pas accès à une filière professionnelle, ni à un métier. Pire, il n’est même pas requis pour entrer à l’université, car seul le baccalauréat compte. En clair : le probatoire n’est ni une fin, ni un début – c’est un tunnel inutile.

Dans la majorité des systèmes éducatifs modernes, cette étape a été supprimée. La France par exemple, dont le Cameroun a hérité du modèle éducatif, ne connaît plus ce type d’examen intermédiaire depuis longtemps. Le passage en terminale s’y fait sur la base du contrôle continu et des résultats scolaires, non sur un examen national bureaucratique.

Un dispositif coûteux pour les familles… et rentable pour d’autres

Organiser le probatoire, c’est mobiliser des enseignants pour les corrections, des surveillants, des centres d’examen, des frais d’inscription (le vrai enjeu), de la logistique administrative.

Et qui paie tout cela ? Les familles. À travers les droits d’examen, parfois exorbitants, qui ressemblent davantage à une taxe déguisée. Pendant ce temps, le rendement pédagogique est nul. Aucun pays émergent n’a prospéré grâce au probatoire, mais certains individus, eux, s’en sortent très bien grâce à son maintien.

Alors, faut-il croire que cet examen sert surtout à nourrir un système ? Un vieux mécanisme huilé pour collecter des fonds, maintenir des routines, conserver des postes ? Une machine à faire tourner les rouages de la bureaucratie éducative, sans se soucier des élèves qui s’épuisent à courir derrière un diplôme fantôme ?

Un prétexte pour disqualifier sans rendre de compte

Le probatoire, c’est aussi un filtre. Un outil de sélection sociale. Car il est plus facile d’éliminer en classe de Première, de décourager, de faire peur, que d’accompagner vers la réussite. Derrière les chiffres froids du taux de réussite, combien de jeunes abandonnent après un échec au probatoire ? Combien renoncent à leur rêve de bachelier pour un certificat vide de sens ?

Vers une école de la confiance, pas de la sanction

Il est temps de repenser l’école camerounaise. Le probatoire n’est pas une étape pédagogique, c’est un caillou inutile dans la chaussure d’un élève.
Le supprimer serait un acte de courage politique et de bon sens éducatif. Ce serait dire aux jeunes : « Nous avons foi en vos capacités. Nous voulons vous accompagner, pas vous freiner. »

Mais pour cela, encore faudrait-il que la volonté de réformer l’école dépasse les discours pompeux de certains chantres du statu quo, plus soucieux de préserver leurs privilèges que de préparer l’avenir.

Charles Chacot Chimé

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