
Encore un rapport, encore des milliards, et toujours les mêmes silences. Le Rapport ITIE 2022, publié en mars 2025, livre un panorama apparemment reluisant de la gestion des ressources extractives au Cameroun. Plus de 1 400 milliards de FCFA versés à l’État. Une contribution au budget qui grimpe à 25 %, une croissance spectaculaire de 90 % par rapport à l’année précédente. De quoi donner le tournis… ou plutôt la nausée.
Car à y regarder de plus près, ce rapport confirme surtout l’évidence : le Cameroun ne gère pas, il encaisse. Il ne développe pas, il consomme. Et surtout, il ne redistribue pas. En 2022, le pétrole et le gaz ont généré à eux seuls 96 % des recettes. La mine industrielle ? 0,09 %. Autant dire : insignifiante. Malgré les discours en boucle sur la “diversification de l’économie”, la rente pétrolière reste la vache sacrée d’un système verrouillé, où le secteur minier végète sous des couches d’inertie, de flou juridique, et d’intérêts opaques.
Mais le cœur du scandale est ailleurs : dans la gestion “hors sol” des revenus extractifs par la SNH. Cette institution, censée représenter l’État, agit comme un État dans l’État. En 2022, elle a collecté plus de 1 100 milliards de FCFA en nature (parts de production). Mais au lieu de reverser l’intégralité au Trésor public, elle en a dépensé directement 183 milliards, sans débat parlementaire, sans reddition publique. Transparence ? Non. Prébende.
Et que dire des entreprises extractives qui refusent de déclarer leurs paiements ? Géovic, Sinosteel, G-Stones… Des noms qui reviennent, toujours absents à l’appel. Leurs revenus ? Non communiqués. Leurs obligations ? Floues. Leurs sanctions ? Aucune. Au royaume du laisser-faire, même les multinationales dictent leurs règles.
Pire encore, les retombées pour la population sont dérisoires : 0,58 % de l’emploi, 6 % des investissements, et un impact social ou environnemental largement non maîtrisé. Autrement dit, le sous-sol camerounais enrichit l’élite, mais pas la nation. Les écoles, les routes, les hôpitaux promis par la manne pétrolière restent invisibles.
Ce rapport, comme les quinze précédents, est une prouesse technique. Mais la technique sans volonté politique ne vaut rien. Le vernis de la conformité ITIE ne doit plus cacher les failles profondes d’un modèle extractif conçu pour alimenter un système de rente, pas pour construire un avenir durable.
Si le Cameroun veut réellement tourner la page de la malédiction des ressources, il faudra plus que des tableaux Excel. Il faudra du courage, de la justice, et surtout : une rupture avec la gouvernance d’accaparement. Tant que l’or, le pétrole et le gaz ne serviront pas à éteindre la pauvreté, mais à entretenir des privilèges, aucun rapport ne pourra nous laver de notre responsabilité collective.
Charles Chacot Chimé