
Après plus de dix-neuf mois passés derrière les barreaux de la prison centrale de Libreville, Sylvia Bongo Ondimba, ancienne Première dame du Gabon, et son fils Noureddin Bongo Valentin ont quitté leur cellule pour être placés en résidence surveillée. Selon des sources judiciaires concordantes, ce transfert, validé cette semaine, s’explique avant tout par des impératifs médicaux liés à l’état de santé fragile de l’ex-Première dame. Les deux personnalités ont rejoint leur domicile de La Sablière, au nord de la capitale, où réside également l’ancien président Ali Bongo Ondimba, renversé par un coup d’État en août 2023.
Un changement de régime motivé par l’urgence sanitaire
La décision des autorités judiciaires gabonaises intervient après des mois de tensions autour des conditions de détention de Sylvia Bongo Ondimba, âgée de 65 ans. Depuis son incarcération en septembre 2023, ses avocats n’ont cessé d’alerter sur la dégradation de sa santé, évoquant des pathologies chroniques nécessitant un suivi médical régulier. « L’assignation à résidence répond à un impératif humanitaire », a indiqué une source proche du dossier, sous couvert d’anonymat. Selon elle, les infrastructures carcérales gabonaises, réputées surpeuplées et précaires, ne permettaient pas de garantir des soins adaptés.
Si Noureddin Bongo Valentin, 35 ans, n’aurait pas présenté de problèmes de santé critiques, son transfert s’inscrirait dans une logique de « cohérence familiale », selon les mêmes sources. Le régime de résidence surveillée impose néanmoins des restrictions strictes : interdiction de quitter le domicile, surveillance permanente et limitation des visites.
Un contexte politique toujours tendu
Ce changement de statut intervient dans un climat politique volatile, près d’un an après le putsch ayant mis fin à 56 ans de règne de la famille Bongo. Le 30 août 2023, des militaires dirigés par le général Brice Clotaire Oligui Nguema renversaient Ali Bongo, alors que la Cour constitutionnelle venait de confirmer sa réélection contestée. La transition, saluée par une partie de la population, a rapidement ciblé l’ancien premier cercle présidentiel : une vingtaine de proches, dont Sylvia Bongo et son fils, ont été inculpés pour « corruption », « détournement de fonds publics » et « trahison ».
Le transfert des deux figures emblématiques pourrait être perçu comme un geste d’apaisement du régime en place, soucieux d’éviter les critiques internationales sur le respect des droits humains. Toutefois, aucun assouplissement juridique n’accompagne cette mesure : les procédures judiciaires se poursuivent. « Ce n’est pas une libération, mais un aménagement des conditions de détention », rappelle un magistrat gabonais.
Les Bongo, symbole d’une ère révolue
L’installation de Sylvia Bongo à La Sablière marque un retour symbolique dans l’espace qui fut le cœur du pouvoir pendant quatorze ans. Épouse d’Ali Bongo depuis 1989, cette Franco-Gabonaise, discrète mais influente, incarnait l’élégance et le soft power du régime. Son implication dans des œuvres sociales, via la Fondation Sylvia Bongo Ondimba, contrastait avec les accusations de népotisme visant le clan.
Quant à Noureddin Bongo Valentin, fils aîné du couple, il était perçu comme un potentiel successeur avant que la chute du régime ne brise cette dynastie. Son arrestation en 2023, suivie de révélations sur des comptes offshore et des biens luxueux, avait alimenté la colère populaire.
Réactions mitigées et incertitudes
Si les défenseurs des droits de l’homme saluent une décision « plus humaine », d’autres y voient un traitement de faveur. « La justice doit être la même pour tous. Beaucoup de détenus souffrent de maladies en prison sans être transférés », dénonce un militant local. À l’international, l’Union européenne, qui suit de près le dossier, a appelé à « garantir un procès équitable ».
Pour l’heure, le régime du général Oligui Nguema maintient son discours de rupture avec l’ancien système. Mais le sort des Bongo reste un sujet épineux, entre exigence de justice et héritage politique. Leur assignation à résidence, si elle allège leurs conditions de détention, ne signifie pas une réhabilitation. L’histoire judiciaire de la famille, étroitement liée aux soubresauts politiques du Gabon, est loin d’être écrite.
Emmanuel Ekouli