Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, les journalistes et professionnels des médias, avec le Cmo, se sont mis en mouvement pour sortir de la banalisation…

Quand la pratique du journalisme enchaîné gagne du terrain

Journaliste à la radio universitaire Bansoa, M. Kengné, cherche désormais ses repères professionnels hors de l’univers médiatique. « Il n’y a aucun espoir dans ce métier. On ne peut pas construire une vie en espérant recevoir des prébendes et des motivations financières sur le terrain. En plus, même pour vous donner de l’argent, on ne vous respecte pas. Je cherche du travail », se plaint-il. Après quelques années dans la presse, le quarantenaire qui se présente comme journaliste et chercheur en sciences sociales déchante. Les réalités de l’univers de la presse privée dans la région de l’Ouest ont plombé son moral. Il ne parvient pas à comprendre comme on peut être résilient dans la quête et la diffusion des informations fiables et crédibles, sans frais de reportage ou de salaires mensuels. Ce tableau sombre est presque commun à toutes les radios ou chaînes de télévisions émettant dans la région de l’Ouest. Dans les tabloïds édités à partir de la ville de Bafoussam, la réalité est tout aussi triste. Tout comme dans les cybers journaux qui fleurissent dans cette partie du pays. En effet, les contenus sont plus marqués par des articles visant à la promotion des personnalités publiques ou politiques en quête de notoriété sociale ou de positionnement politique. De même, ces journalistes doivent se taire lorsque les personnalités influentes du monde des affaires ou de la politique sont impliquées et dénoncés en matière d’abus ou de violation des droits humains. Ils se comportent tout simplement comme des journalistes enchainés…

Confronté à cette triste réalité, le coordinateur du groupe La Nouvelle Expression et de radio et télévision Equinoxe, Vivien Tonfack, tient à garder son indépendance et sa crédibilité. « On ne me tient pas, même avec des cadeaux. Lorsque je couvre une cérémonie ou une question d’actualité, je fais mon papier suivant les orientations éditoriales de mon employeur. Je garde ma liberté», affirme-t-il, avec fermeté. D’ailleurs, il est l’un des rares journalistes qui brillent par la pertinence de ses sujets de reportage en télévision ou en presse écrite, dans un environnement où certains journalistes orientent le traitement de leurs articles en fonction des sommes d’argent contenues dans les enveloppes remises par des organisateurs des cérémonies. Léopold Nzuno, journaliste et délégué départemental de la communication dans la Mifi, est catégoriquement opposé à la clochardisation et la banalisation des journalises par la remise des enveloppes d’argent après les cérémonies. Pour lui, cette pratique nocive, appelée couramment «le gombo». Nous, journalistes, si nous le voulons, on peut mettre fin à la pratique « du gombo » pour retrouver notre dignité », déclare-t-il. Une position non partagée par de nombreux journalistes et professionnels des médias en service dans la région de l’Ouest. « C’est grâce « au gombo » que certains journalistes ont des moyens pour financer des reportages ou des enquêtes professionnellement crédibles », défend Vivien Tonfack. Celui-ci invite les confrères à suivre une option réaliste. Journaliste et représentante du délégué régional de la communication au mini symposium organisé par le Club Média Ouest (Cmo), madame Ngansop recommande à ses confrères de ne point harceler les organisateurs de la cérémonie pour revendiquer de l’argent. Elle exige aux uns et autres de rester professionnels. Et de savoir se faire accréditer avant la couverture des évènements ou des cérémonies. Elle soutient que le gouvernement camerounais a multiplié des efforts ces dernières années pour la promotion de la liberté de la presse et l’indépendance des médias. Elle précise que l’usage de l’intelligence artificielle a contribué à favoriser la diversité, la célérité et la densité des contenus médiatiques au Cameroun. Elle rappelle que plus de 700 titres de la presse écrite et cybernétique, plus de 200 radios et 100 chaînes de télévision recensés par le ministère de la communication émettent, en toute liberté, dans les 10 régions du Cameroun. La pluralité médiatique rime-t-elle toujours avec vitalité et crédibilité des contenus ?

Les journalistes du groupe UPF de l’ouest du Cameroun

Le Club média Ouest et point focal Upf en mouvement

« Nous tenons à ce que les journalistes travaillent avec crédibilité. Nous tenons à ce que les journalistes travaillent pour le développement». Coordonnateur du Club média Ouest (Cmo), Léopold Nguelo, plus connu sous le pseudonyme de Jan Byg-mop Njansan a tenu à l’organisation d’un mini symposium ce mercredi 14 mai 2025 dans la salle des réunions de la délégation régionale de la communication à l’Ouest.

Au cours de cette rencontre axée sur le thème « informer dans un monde complexe : l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et des médias », une trentaine des journalistes et professionnels des médias ont discuté en focalisant leur attention sur deux point saillants : « le positionnement éditorial et les pratiques professionnelles» et sur les discours haineux en période électorale. Avocat au barreau du Cameroun et titulaire d’un doctorat Phd en sciences politiques, Me Hervé Mabouo, a indiqué catégoriser les discours haineux suivant la terminologie de l’organisation des nations unies(Onu), avant de contextualiser dans le contexte camerounais. Ainsi, il a invité les journalistes à proscrire dans leurs articles des discours visant à la dénonciation d’un acteur politique ou social en stigmatisant ses origines tribales ou ethniques. Le juriste a étalé un ensemble de textes qui peuvent être invoqués pour poursuivre pénalement les journalistes auteurs des écrits ou discours haineux. Il s’agit notamment de la loi sur la cybercriminalité de 2010, de la loi anti-terroriste de 2014 et de la loi de 2019 sur les discours haineux. Tous ses textes ont été incorporés dans le code pénal camerounais, révisé en 2016 par le parlement. Dans le même ordre d’idée, madame Ngansop, conseille aux journalistes de respecter les exigences en matière de déontologie. Surtout qu’elle recommande de rester vigilant face aux développement des pratiques liées à l’intelligence artificielle et très portées par des acteurs des nouveaux médias qui gagnent en influence sur la toile et les réseaux sociaux. Journaliste travaillant pour le compte de radio Batcham et promotrice d’un site d’information en ligne, « le déclic de l’info », Charlène Teussop manifeste des inquiétudes face à la concurrence déloyales que les influenceurs sur les réseaux sociaux livre aux journalistes en activant sur tous les leviers de séduction, en recourant aussi à l’intelligence artificielle.

D’ailleurs, au cours d’une conférence organisée le lundi 12 mai 2025 à Bafoussam à la diligence de Charline Flore Demgne, journaliste et point focal de la section camerounaise de l’Union internationale de la presse francophone(Upf), cette question est revenue sur la sellette. Cyrille Mbia, expert en intelligence artificielle, a indiqué aux journalistes et professionnels des médias comment établir la différence entre une image réelle et une fausse image. Perez Mekem, photojournaliste, pense que les professionnels des médias ne doivent point paniquer. Pour lui, ils doivent rester professionnels et crédibles. Ce qui commande de donner une « âme » aux images et aux textes qu’ils doivent produire.

Le journalisme de référence et d’influence en déclin ?

Presse camerounaise : pouvoir ou comptoir ? Venant Mboua, ancien journaliste de Le Messager, n’a pas éloigné son regard sur les tristes réalités de l’univers médiatique au Cameroun. Le 03 mai 2025, sur le mur de son compte Facebook, il s’est posé cette question. Une interrogation autant pertinente que 35 ans après la promulgation de la loi de décembre 1990 sur la communication sociale, le visage de la presse écrite ou audiovisuel au Cameroun est moins reluisante. Malgré la mise en pratique des nouvelles technologies de l’information et de la communication, avec l’intrusion de l’intelligence artificielle, le statut du journaliste camerounais est toujours flou. Ses conditions de travail et d’existence riment avec précarité. Les journalistes de la presse, en majorité, cumulent de nombreux mois d’arriéré de salaire. Ils vivent tétanisés. Ils n’ont pas droit à dénoncer les puissants ou les pontes du parti au pouvoir qui abusent des non affiliés de la république et violent impunément les droits humains des citoyens. Ils n’ont pas le droit de se faire le porte-voix des gouvernés contre les gouvernants. Ils n’ont pas le droit d’être « à l’écoute du peuple », comme le proclamait feu Puis Njawé, fondateur de Le Messager.

Alors qu’il est important et vital de réinventer la pratique du journalisme au Cameroun. Car, comme le clame l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme et l’article 9 de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples ratifiés par le Cameroun, le droit d’informer et d’être informé est un droit humain fondamental. Il promeut la démocratie et permet de la transparence dans la gouvernance et le respect des autres droits humains. D’où la nécessité pour les journalistes de donner sens aux faits sacrés, de s’affirmer dans une logique de positionnement éditorial qui permet d’informer, de susciter l’émotion et de pousser au changement des comportement et à l’action positive pour la promotion du développement économique et social dans une société de démocratie pluraliste où élection libre et crédible doit rimer à l’alternance pour la gestion des institutions locales ou nationales.

Guy Modeste Dzudié

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