De nombreux maires, y compris ceux issus de l’opposition, sont confrontés aux pressions et chantages de préfets et sous-préfets qui entravent le bon fonctionnement des collectivités territoriales.
La décentralisation, censée accroître l’autonomie et l’initiative des collectivités locales, peine à se concrétiser au Cameroun. De nombreux élus locaux, notamment ceux appartenant à l’opposition politique, dénoncent les ingérences et abus de pouvoir des représentants de l’État qui contrarient leur action.
La décentralisation, inscrite dans la loi camerounaise depuis plusieurs décennies, vise à transférer des compétences et des moyens de l’État central vers les collectivités territoriales (communes, départements, régions). Cependant, sur le terrain, de nombreux élus locaux, y compris ceux issus de l’opposition, font face à de sérieuses entraves dans l’exercice de leurs fonctions.
Plusieurs maires de communes comme Maroua 1er, Lagdo, Banwa ou Njombe-Penja ont ainsi été destitués, non pas par leur conseil municipal, mais par décision de l’administration préfectorale. La raison officielle invoquée est souvent la “mauvaise gestion”, mais ces élus appartiennent en réalité à l’opposition politique.
Au-delà de ces révocations contestées, les élus locaux dénoncent les pressions et chantages exercés par les sous-préfets et préfets qui représentent l’État au niveau local. Ces hauts fonctionnaires, souvent proches du parti au pouvoir, refuseraient d’avaliser les délibérations des conseils municipaux si les maires ne leur versent pas des “enveloppes” mensuelles pour leur “fonctionnement”.
“Un nommé peut ainsi, par abus, caprices et fantaisie, bloquer les décisions d’élus du peuple qui a placé sa confiance en eux pour transformer leur quotidien”, déplore un élu local.
Cette ingérence de l’administration dans la gestion des collectivités locales est d’autant plus mal vécue que les maires ont des comptes à rendre à leurs administrés, contrairement aux préfets et sous-préfets qui semblent davantage fidèles au parti au pouvoir qu’à l’intérêt général.
Selon les conclusions de la CONAC (Commission nationale anti-corruption), l’administration territoriale fait partie des services les plus corrompus du pays. Une situation qui compromet gravement la mise en œuvre effective de la décentralisation, malgré les 15% du budget national qui sont censés être reversés aux communes.
“La décentralisation continuera à rester un serpent de mer chez nous tant que le pouvoir central refusera de céder entièrement ce que la loi lui exige, et tant que les préfets et les sous-préfets se comporteront davantage comme des chefs de cartel plutôt que comme des facilitateurs du développement”, estime un observateur.
Face à ces dérives, les élus locaux de l’opposition redoutent ce qui les attend s’ils accèdent un jour aux responsabilités au niveau national. Quant au parti au pouvoir, il semble s’accommoder de cette situation qui lui permet de conserver son emprise sur le terrain. La décentralisation, pourtant nécessaire au développement local, reste ainsi largement lettre morte au Cameroun.
Emmanuel Ekouli