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Le Cameroun fait face à une crise financière majeure au sein de ses collectivités territoriales décentralisées (CTD). Ces dernières ont accumulé une dette colossale de 128 milliards de FCFA auprès du Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (Feicom), selon des révélations récentes. Cette situation alarmante met en lumière les défis structurels et financiers auxquels sont confrontées les communes et autres entités locales, malgré les efforts de décentralisation engagés par l’État.
Une dette divisée en deux volets préoccupants
La dette des CTD se compose de deux parties distinctes, chacune révélant des enjeux spécifiques. D’une part, 36 milliards de FCFA représentent une dette exigible en cours, c’est-à-dire des montants que les collectivités doivent rembourser à court terme. D’autre part, 91,8 milliards de FCFA constituent une dette non placée, c’est-à-dire des créances qui n’ont pas encore été formalisées ou réclamées, mais qui pèsent lourdement sur les finances locales.
Cette accumulation de dettes s’explique en grande partie par les difficultés rencontrées par les CTD à générer des revenus suffisants pour financer leurs projets et assumer leurs obligations. Les retards dans la perception des impôts locaux, la mauvaise gestion des fonds publics et le manque de compétences techniques pour optimiser les ressources disponibles sont souvent pointés du doigt.
Le Feicom, entre soutien et mesures drastiques
Face à cette situation, le Feicom, institution clé dans le financement des projets locaux au Cameroun, a déjà pris des mesures pour alléger le fardeau des CTD. En septembre 2024, le fonds a annulé la dette de 62 communes, leur offrant ainsi un répit financier bienvenu. Cette décision s’inscrit dans une logique de soutien aux collectivités les plus vulnérables, tout en cherchant à préserver la viabilité financière du Feicom lui-même.
Cependant, ces annulations de dettes ne suffisent pas à régler les problèmes structurels. Le Feicom a également appelé à une meilleure gestion des finances locales et à une plus grande responsabilisation des élus locaux. Des formations sur la gestion budgétaire et des audits réguliers sont désormais envisagés pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir.
Les conséquences pour les populations locales
L’endettement massif des CTD a des répercussions directes sur les populations locales. Les projets d’infrastructures, tels que la construction de routes, d’écoles ou de centres de santé, sont souvent retardés ou abandonnés faute de financement. Les services publics essentiels, comme l’approvisionnement en eau potable ou la collecte des déchets, en pâtissent également, affectant la qualité de vie des citoyens.
Par ailleurs, cette situation fragilise la confiance des partenaires techniques et financiers, qui hésitent à investir dans des collectivités jugées peu fiables sur le plan financier. Cela pourrait freiner le développement économique et social de nombreuses régions du Cameroun, déjà confrontées à des défis importants en matière de pauvreté et d’inégalités.
Vers une réforme en profondeur ?
Pour sortir de cette spirale d’endettement, une réforme en profondeur du système de financement des CTD semble indispensable. Les experts préconisent notamment une meilleure répartition des ressources entre l’État central et les collectivités locales, ainsi qu’un renforcement des capacités de gestion des élus locaux.
Parallèlement, des mécanismes de contrôle plus stricts devraient être mis en place pour garantir une utilisation transparente et efficace des fonds publics. La digitalisation des systèmes de collecte des impôts locaux et la promotion de partenariats public-privé pourraient également contribuer à renforcer les finances locales.
En conclusion, la dette de 128 milliards de FCFA des CTD camerounaises envers le Feicom est un signal d’alarme qui ne peut être ignoré. Si des mesures ont déjà été prises pour alléger ce fardeau, des réformes structurelles et une meilleure gouvernance locale sont essentielles pour éviter que cette situation ne se reproduise. Le développement durable des collectivités territoriales passe par une gestion rigoureuse et transparente des ressources, au bénéfice des populations locales.
Emmanuel Ekouli