La condamnation à mort d’Armand Assé, présumé chef d’un réseau criminel international, par un tribunal vietnamien, secoue la communauté camerounaise et expose au grand jour les pratiques douteuses de certains ressortissants à l’étranger. Un verdict implacable qui sonne comme un camouflet pour la Fédération Ekang (FEDEK), organisation dont Assé était le président autoproclamé, et révèle l’impuissance – ou la complicité silencieuse – des gouvernements camerounais et français face à des affaires qui entachent leur image.

De la prison à la potence : la chute d’un « businessman » sans scrupules

Armand Assé, présenté comme un entrepreneur influent au sein de la diaspora, a vu son masque tomber lors d’un procès retentissant à Hanoï. Plaidant initialement coupable pour blanchiment d’argent, escroquerie transnationale, trafic de substances illicites et falsification de dollars, lui et son complice Xavier Nanga Onguene espéraient une peine allégée de 20 ans, grâce à une coopération promise aux autorités vietnamiennes. Mais le bureau du procureur, épaulé par les services de sécurité américains, a refusé de céder. Les preuves accumulées après des mois d’enquête – incluant des méthodes d’interrogatoire musclées surnommées « passage à la cuisine vietnamienne » – ont dévoilé l’étendue macabre de ses activités.

Washington, directement concerné par le trafic de faux dollars, a exigé des sanctions exemplaires. « La contrefaçon de la monnaie américaine est une attaque contre notre souveraineté », a martelé un porte-parole de l’ambassade des États-Unis, exigeant que « les complices, y compris ceux protégés par des passeports diplomatiques, soient démasqués ». Une allusion à peine voilée aux personnels d’ambassades camerounaises cités dans les aveux d’Onguene, condamné à 40 ans de prison pour son rôle de « sous-fifre ».

Le « feymania », un phénomène qui gangrène la diaspora
Symbole d’une jeunesse désœuvrée, le « feyman » camerounais incarne une économie parallèle basée sur la ruse et l’illégalité. Escroqueries, trafics, faux documents… Ces pratiques, longtemps minimisées, font aujourd’hui des victimes collatérales : des pays hôtes méfiants, une diaspora stigmatisée, et un pays qui perd peu à peu sa crédibilité.

La FEDEK dans la tourmente : un système criminel érigé en modèle

Derrière le titre pompeux de « président de la FEDEK », Armand Assé dirigeait en réalité un réseau tentaculaire, mêlant faux documents, corruption et trafics en tout genre. Son arrestation a mis en lumière une fédération qui, sous couvert de « promotion culturelle », servait de paravent à des activités illégales. Pire, les aveux de son complice Onguene ont confirmé des complicités au sein des institutions camerounaises à l’étranger, soulevant des questions brûlantes sur la porosité – ou la compromission – de certaines représentations diplomatiques.

Silence coupable : Cameroun et France se terrent

Alors que le condamné à mort sanglotait lors de sa dernière comparution, réclamant une grâce improbable, les gouvernements camerounais et français, détenteurs de ses passeports, sont restés étrangement muets. Aucune déclaration officielle, aucune demande de clémence. Un silence qui interroge : craignent-ils que l’affaire ne révèle d’autres noms ? Ou préfèrent-ils laisser mourir un homme dont les révélations pourraient être explosives ?

« Cette absence de réaction est une trahison envers nos concitoyens, même criminels », s’indigne un diplomate camerounais sous couvert d’anonymat. « Mais que faire quand vos propres ambassades sont compromises ? »

La fin d’une épopée criminelle… et le début d’un scandale d’État ?

Pour Armand Assé, c’est la fin du voyage. Son appel contre la peine capitale, basé sur des « informations sensibles » qu’il détient, semble peu susceptible de fléchir un tribunal vietnamien déterminé à faire de lui un exemple. Quant à Onguene, ses 40 ans de prison le condamnent à vie, loin des « mbeng » (occident) qu’il rêvait d’arnaquer.

Mais au-delà du drame individuel, cette affaire jette une lumière crue sur un fléau grandissant : celui des réseaux criminels camerounais à l’étranger, souvent protégés par des complicités locales et l’inaction des États. Entre faux-diplomates, trafiquants et escrocs en costard, le mythe du « feyman » – ce fraudeur romantique – se fissure. Place à la réalité : une criminalité organisée, violente, qui salit l’image du Cameroun et piège ses propres enfants.

Alors que le Vietnam célèbre sa fermeté, le Cameroun, lui, devra répondre à une question cruciale : combien d’autres « Armand Assé » opèrent encore dans l’ombre, protégés par des passeports et des sourires complices ?

Emmanuel Ekouli



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