
Cameroun : La bombe à retardement d’un report de la présidentielle
Alors que le Cameroun s’apprêtait à entrer dans une année électorale cruciale, une rumeur glaçante agite les couloirs du palais d’Étoudi : l’élection présidentielle d’octobre 2025 pourrait être reportée. Une manœuvre insidieuse, orchestrée par les conseillers de Paul Biya, visant à perpétuer un pouvoir aux abois. Dans un contexte de crise économique, de tensions sécuritaires et de défiance populaire croissante, le parti au pouvoir, le RDPC, jouerait sa survie en instrumentalisant le calendrier électoral. Une stratégie risquée, qui pourrait plonger le pays dans le chaos.
Un pouvoir acculé, une démocratie en sursis
Depuis 1982, Paul Biya, 91 ans, règne sans partage sur le Cameroun. Mais aujourd’hui, son parti, le RDPC, affiche une vulnérabilité inédite. Selon une source haut placée au sein de l’appareil présidentiel, « des conseillers ont soumis l’idée d’un report au chef de l’État, arguant de besoins logistiques et sécuritaires ». Un prétexte mince, tant les observateurs y voient une tentative désespérée de gagner du temps face à une opposition galvanisée et une jeunesse révoltée.
Le timing interroge : à six mois du scrutin, pourquoi remettre en cause une date connue de tous ? « Le RDPC est en pleine déliquescence. Ils redoutent une défaite cuisante, voire une humiliation. Ce report serait un aveu de faiblesse », dénonce un cadre de l’opposition sous couvert d’anonymat. La machine Biya, habituée à contrôler le tempo électoral, semble cette fois prise à son propre piège.
L’opposition en ordre de bataille : « Nous ne nous laisserons pas voler cette élection ! »
Du côté des opposants, la nouvelle a déclenché une onde de choc. Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), a tonné lors d’un meeting clandestin : « Si Biya croit pouvoir jouer avec la Constitution comme en 2018, il se trompe. Le peuple est prêt à descendre dans la rue ! ». Une référence directe à la révision constitutionnelle ayant permis à Biya de briguer un septième mandat, malgré un tollé national.
D’autres figures, comme Cabral Libii ou Akere Muna, appellent à une mobilisation préemptive. « Toute tentative de report sera perçue comme un coup d’État civil. Nous avons appris des erreurs passées : cette fois, la rue sera notre ultime recours », prévient un militant du Front Social pour le Renouveau (FSR). Des réseaux sociaux aux universités, l’appel à la résistance s’organise, tandis que des collectifs citoyens menacent de paralyser les villes en cas d’« hold-up électoral ».
Scénario catastrophe : Le spectre d’un « Octobre Rouge » camerounais
Les souvenirs de 2018, où la répression d’une manifestation pro-Kamto avait fait des dizaines de morts, hantent encore les esprits. Un report de l’élection pourrait déclencher un embrasement généralisé. « Le régime sous-estime la colère accumulée. Les jeunes n’ont plus peur des balles », analyse Dr. Fatima Diallo, politologue à l’Université de Yaoundé.
Dans les régions anglophones, déjà en proie à un conflit séparatiste, la décision serait une étincelle de plus. « Comment croire à des élections libres quand le Nord-Ouest et le Sud-Ouest sont en guerre ? Le pouvoir instrumentalise le chaos qu’il a lui-même créé », accuse un diplomate européen. Une situation explosive, où la communauté internationale, pourtant discrète jusqu’ici, pourrait être contrainte d’intervenir.
Jeu dangereux à Étatoudi : Biya peut-il encore contrôler la donne ?
Si le report est acté, le RDPC miserait sur une prolongation du mandat de Biya, sous couvert d’« état d’urgence sécuritaire » ou de « réformes nécessaires ». Une manœuvre déjà vue en 1992 et 2004, mais dans un contexte bien moins tendu. « Le régime est dos au mur. Même l’armée, pilier traditionnel du pouvoir, montre des signes de lassitude », confie un ex-officier.
Pire : des fissures apparaissent au sein du parti. Certains barons, inquiets pour leurs intérêts, pousseraient Biya à céder le pouvoir à un successeur choisi, plutôt que de risquer un bain de sang. « Ils savent que le Cameroun post-Biya sera ingérable. Mais leur avidité les aveugle », regrette un ancien ministre.
La communauté internationale sous pression : Complice ou garante des droits ?
Alors que l’Union africaine et l’ONU multiplient les appels au dialogue, les partenaires étrangers du Cameroun (France, Chine, États-Unis) sont sous le feu des critiques. « Leur silence équivaut à une complicité. Ils préfèrent la stabilité d’un dictateur à l’incertitude démocratique », s’indigne un rapport d’Amnesty International.
Pourtant, des signaux forts émergent : l’UE menace de suspendre son aide en cas de violation des droits humains, tandis que Washington exige des « élections crédibles ». Reste à savoir si ces condamnations de principe se mueront en actions concrètes.
Le Cameroun à la croisée des chemins
En jouant avec le feu électoral, le régime Biya prend un risque historique. Report ou pas, une certitude : le pays ne sera plus jamais le même. Entre espoir d’une alternance pacifique et crainte d’une dictature féroce, les Camerounais retiennent leur souffle. « Qu’ils reportent, qu’ils trichent… Nous sommes prêts à tout pour en finir avec cette mascarade », lance une étudiante à Douala, sous les applaudissements de la foule. La sentence populaire est sans appel : l’heure de la reddition des comptes a sonné.
Dans l’ombre, une question taraude l’élite camerounaise : et si, pour la première fois depuis 42 ans, le peuple refusait de se soumettre ? La réponse, peut-être, s’écrira dans le sang… ou dans les urnes.
Emmanuel Ekouli