Rome, Vatican — Sous les fresques magistrales de Michel-Ange, 133 cardinaux vêtus de pourpre ont franchi ce mercredi les portes de la chapelle Sixtine pour un conclave historique. Leur mission : élire le 267ᵉ pape de l’Église catholique, successeur de François, décédé le 21 avril dernier à l’âge de 88 ans. Un processus millénaire, marqué par le secret, la spiritualité et des enjeux politiques sans précédent.


Un rituel immuable dans un contexte mondialisé

Les cardinaux, venus de 70 pays, ont entamé leur retraite spirituelle par une messe solennelle dans la basilique Saint-Pierre, ponctuée par l’homélie du doyen du Collège cardinalice, Giovanni Battista Re. Ce dernier a exhorté ses pairs à « écarter toute considération personnelle » et à privilégier « le bien de l’Église et de l’humanité ». Une injonction cruciale dans un conclave où progressistes et traditionalistes s’affrontent sur l’héritage de François, entre ouverture aux marges de la société et retour à la tradition.

Le rituel, inchangé depuis le XIIIᵉ siècle, a repris son cours : procession solennelle, serment de secret prononcé sur les Évangiles, et isolement strict. Les électeurs, privés de téléphones et coupés du monde, voteront jusqu’à quatre fois par jour. Leur seul lien avec l’extérieur ? La fumata bianca ou nera, issue d’un poêle en fonte de 1939 et colorée à l’aide de produits chimiques (perchlorate de potassium pour le noir, lactose et résine de pin pour le blanc).


Une élection sous tension : continuité ou rupture ?

Aucun favori ne se détage clairement, mais plusieurs noms circulent :

  1. Pietro Parolin (70 ans), secrétaire d’État du Vatican, diplomate expérimenté mais critiqué pour un accord controversé avec la Chine en 2018.
  2. Luis Antonio Tagle (67 ans), philippin surnommé « le François asiatique », progressiste mais mis en cause pour sa gestion des abus sexuels.
  3. Robert Prevost (États-Unis), outsider modéré, loué pour son écoute.
  4. Péter Erdő (72 ans, Hongrie), pilier des conservateurs opposés aux réformes de François.

Avec 80 % des cardinaux nommés par François, une continuité de sa vision (migrants, écologie, inclusion) semble probable. Pourtant, les tensions sont palpables : des groupes traditionalistes, comme celui mené par le cardinal Raymond Burke (États-Unis), plaident pour un retour à l’orthodoxie.


Les défis du futur pape : unité, scandales et géopolitique

Le successeur de François hérite d’une Église fracturée :

  • Crises internes : gestion des abus sexuels, déficit financier du Vatican, et demande de transparence.
  • Enjeux globaux : guerres, populisme, crise migratoire et urgence climatique.
  • Diversité géographique : l’Église croît en Afrique et en Asie, tandis que l’Europe décline. Un pape non européen, comme le ghanéen Peter Turkson, serait une première depuis 1 500 ans.

« Le nouveau pape devra unir une Église diverse tout en réaffirmant son rôle moral dans un monde en perte de repères », résume Roberto Regoli, historien à l’Université grégorienne.


Un conclave sous haute surveillance

Le Vatican a déployé des mesures de sécurité draconiennes : brouilleurs d’ondes, fenêtres blindées pour éviter les écoutes, et serment de silence étendu au personnel (cuisiniers, médecins). Malgré cela, des activistes féministes ont envoyé un message symbolique en libérant de la fumée rose près du Vatican pour dénoncer l’exclusion des femmes du processus.


L’attente de la fumée blanche

Si les conclaves récents ont duré 2 à 5 jours, l’absence de favori et la diversité des électeurs pourraient prolonger les débats. Quoi qu’il advienne, l’élection marquera un tournant pour 1,4 milliard de catholiques, entre héritage réformateur et quête de stabilité.

« Celui qui entre au conclave en pape en ressort cardinal », rappelle un adage romain. Reste à savoir si les cardinaux, sous le regard du Jugement dernier de Michel-Ange, sauront écouter « l’Esprit saint » — ou les réalités terrestres.


Emmanuel Ekouli

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