La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) opère un virage historique sous l’impulsion de son nouveau gouverneur, Yvon Sana Bangui. Avec une stratégie audacieuse de régionalisation des marchés publics, l’institution monétaire impose désormais que 90% de ses appels d’offres soient attribués à des entreprises locales de la CEMAC. Une décision qui redéfinit les règles du jeu économique en Afrique centrale et consolide la souveraineté financière de la sous-région.

Une préférence régionale qui stimule l’économie locale

Longtemps dominés par des groupes étrangers, les marchés de la BEAC connaissent une mutation sans précédent. L’objectif ? Injecter massivement des capitaux dans l’économie de la CEMAC, renforcer les compétences locales et limiter les fuites de devises.

“Nous croyons en l’expertise de nos entreprises. La BEAC doit montrer l’exemple en favorisant un développement endogène”, affirme un haut responsable de la banque centrale.

Les résultats sont déjà tangibles en 2025 :

  • Construction de l’agence BEAC de Mouila (Gabon) confiée à un consortium gabonais.
  • Édification du siège de la COBAC à Libreville attribuée à une entreprise camerounaise.
  • Projet de l’agence BEAC d’Amdjarass (Tchad) remporté par une société tchadienne.

Ces chantiers, auparavant trustés par des multinationales, illustrent la nouvelle philosophie : la richesse doit circuler en priorité dans la CEMAC.

Transparence et équité : la fin des pratiques opaques

Autre rupture majeure : la publication systématique des appels d’offres, mettant fin à des années d’opacité. Les entreprises locales, souvent écartées faute d’informations, peuvent désormais concourir dans un cadre plus équitable.

“Avant, les marchés se négociaient en coulisses. Aujourd’hui, tout est public, et cela change tout”, témoigne un entrepreneur gabonais.

Cette ouverture s’accompagne d’un renforcement des capacités. La BEAC encourage les joint-ventures entre firmes locales et internationales, à condition que le leadership revienne aux entreprises de la CEMAC. Objectif : un transfert de technologies et de savoir-faire pérenne.

Réserves de change protégées, économie stabilisée

Malgré ces investissements massifs, la BEAC maintient une gestion rigoureuse de ses réserves de change, évitant tout risque de crise financière. Une prudence saluée par les économistes, qui y voient un modèle pour les autres institutions africaines.

“En canalisant 90% de ses dépenses vers la sous-région, la BEAC réduit les sorties de capitaux et booste la liquidité interne”, analyse Dr. Alain Mvogo, économiste.

Vers une autonomie économique de la CEMAC ?

Cette politique ambitieuse pourrait faire école. Plusieurs États membres réfléchissent à aligner leurs propres marchés publics sur le modèle BEAC. Si la tendance se confirme, la CEMAC pourrait progressivement réduire sa dépendance aux importations et aux capitaux étrangers.

Reste un défi : s’assurer que les entreprises locales aient les capacités techniques et financières pour répondre aux exigences. La BEAC mise sur la formation et les partenariats pour y parvenir.

Un tournant historique

Sous Yvon Sana Bangui, la BEAC ne se contente plus de réguler la monnaie – elle devient un moteur de la croissance régionale. En réservant 90% de ses marchés aux entreprises de la CEMAC, elle pose les bases d’une nouvelle ère économique, plus juste et plus souveraine.

Une révolution silencieuse, mais aux répercussions potentiellement immenses pour les 60 millions d’habitants de la sous-région.

Emmanuel Ekouli


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