À l’occasion du 92e anniversaire de Paul Biya, président camerounais au pouvoir depuis plus de quatre décennies, une scène aussi macabre que révélatrice s’est déroulée au palais des sports de Yaoundé. Des centaines de jeunes, pour la plupart étudiants de l’université de Soa, ont été transportés comme à l’accoutumée pour célébrer avec « ferveur » un homme dont le règne semble éclipser toute perspective d’avenir pour cette génération. Une jeunesse manipulée, trompée, et à la dérive, dont le désespoir est exploité par des vieillards au pouvoir, bien décidés à ne céder aucun espace pour leur éclosion.

Le secrétaire général de la présidence de la République, représentant Paul Biya à cette cérémonie, a adressé un discours aussi surréaliste que révélateur. Il a affirmé que ces jeunes, totalement asservis, étaient prêts à se cotiser pour payer la caution de Paul Biya à l’élection présidentielle d’octobre prochain. Une déclaration qui frise la sorcellerie politique, tant elle illustre l’emprise d’un système sur une jeunesse privée de repères et d’opportunités. Comment en est-on arrivé à ce que des étudiants, incapables de payer leur propre transport, soient instrumentalisés pour soutenir un homme dont le règne a largement contribué à leur précarité ?

La preuve de cette manipulation grotesque est venue quelques jours plus tard. Un communiqué du secrétaire général de l’association des étudiants de la faculté des sciences juridiques et politiques a révélé que les participants à cet anniversaire devaient « émarger » pour recevoir les 2000 Fcfa promis. Ceux qui avaient déjà reçu la moitié de la somme devaient se contenter de 1000 Fcfa supplémentaires. Une scène ridicule, presque tragique, où des jeunes sont réduits à mendier des miettes après avoir servi de figurants dans une mascarade politique.

Cette jeunesse, désorientée et exploitée, est le reflet d’un système qui a échoué à lui offrir un avenir. Alors que le Cameroun fait face à des défis économiques, sociaux et sécuritaires majeurs, les dirigeants semblent plus préoccupés par la perpétuation de leur pouvoir que par l’épanouissement des générations futures. Les étudiants de Soa, comme tant d’autres jeunes Camerounais, sont pris au piège d’un cercle vicieux où leur désespoir est utilisé pour consolider un statu quo qui les étouffe.

Cette cérémonie d’anniversaire, loin d’être une célébration, est un symbole criant de la manipulation et de la désillusion qui caractérisent le rapport entre le pouvoir et la jeunesse au Cameroun. Une jeunesse qui mérite bien plus que des miettes et des promesses creuses. Elle mérite un avenir, une voix, et surtout, des leaders qui œuvrent réellement pour son épanouissement. Mais pour l’instant, elle reste prisonnière d’un système qui préfère la sorcellerie politique à la véritable émancipation.

Emmanuel Ekouli

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *