
La relaxe déguisée d’Eric Martial Bekobe Mvondo, meurtrier de son épouse, révèle les tares abyssales d’une justice complice du patriarcat et sourde à la détresse des femmes victimes de violences conjugales.
Le 1er avril 2025, le Tribunal de Grande Instance de Douala-Bonanjo a rendu un verdict qui aurait pu passer pour une mauvaise blague, si le contexte n’était pas si tragique. Ce jour-là, la justice camerounaise, dans un geste à la fois cynique et glaçant, a offert à un meurtrier une porte de sortie dorée, défigurant la mémoire d’une victime et trahissant les attentes d’une société déjà ébranlée par l’impunité.
Diane Yangwo, enseignante d’anglais au Lycée de Nylon à Douala, est morte le 13 novembre 2023, battue à mort par son époux, Eric Martial Bekobe Mvondo, employé à la SCB Cameroun. Ce n’était ni la première fois, ni un accident. C’était la suite logique d’un long calvaire conjugal, connu, dénoncé, mais toléré, jusqu’à ce que l’irréparable survienne.
Et pourtant, malgré les aveux de l’accusé, malgré les coups reconnus comme mortels – réprimés par l’article 278 du Code pénal –, la juge a infligé à l’assassin une peine ubuesque : cinq ans de prison avec sursis pendant cinq ans, sans amende, avec pour seule contrainte les dépens de 52 000 FCFA. Autrement dit, la vie d’une femme, pour l’institution judiciaire camerounaise, vaut à peine le prix d’un plein de carburant.
Réunie en conférence de presse le 9 avril à Douala, la Plateforme des Organisations de la Société Civile du Littoral (PLAFOSCIL) a dénoncé, avec force et amertume, ce qu’elle qualifie de « sentence inique ». « Ce n’était pas le procès d’un meurtrier, mais celui d’un ange tombé du ciel », ironise Me Charlotte Tchakounté, avocate de la famille Yangwo. À ses côtés, la Commission Genre de la PLAFOSCIL et des militants de la société civile ont exprimé leur colère contre ce système judiciaire qui protège les bourreaux et méprise les victimes.
Ce verdict n’est pas une anomalie, il est le symptôme d’un mal profond : une justice sexiste, lente, souvent corrompue, et étrangement bienveillante envers les auteurs de violences conjugales. Le message envoyé est limpide : au Cameroun, un homme peut tuer sa femme, plaider une forme d’accident, et sortir libre, le dos droit, sans même l’obligation de verser une indemnité symbolique à l’État.
Pire encore, aucune réparation, ni pour la famille éplorée, ni pour la société que la loi est censée protéger. Ce silence judiciaire est une double peine : celle infligée à la victime, et celle imposée à toutes les femmes qui vivent, chaque jour, sous la menace de la violence domestique.
La justice camerounaise s’est-elle transformée en parodie de tribunal ? Est-elle devenue l’antichambre d’un système patriarcal où l’homme qui tue est excusé, et la femme battue, effacée ? Cette affaire soulève une question brûlante : combien faudra-t-il encore de cadavres pour que le droit se tienne enfin du côté des opprimés ?
La mort de Diane Yangwo ne doit pas être une statistique de plus. Elle doit être un cri. Un cri contre la complaisance judiciaire, contre l’indifférence institutionnelle, contre la banalisation du féminicide. Et si la justice a choisi de rester sourde, alors la société civile, elle, doit hurler plus fort.
Charles Chacot Chime