Alors que le Vatican accueillait ce matin les obsèques solennelles du Pape François, un autre drame, politique cette fois, se jouait dans l’ombre. Paul Atanga Nji, ministre camerounais de l’Administration territoriale et pilier du régime de Paul Biya, a échappé de justesse à une interpellation mouvementée par la Brigade Anti Sardinard (BAS), un groupe d’activistes de la diaspora hostile au pouvoir de Yaoundé. Cet épisode illustre l’intensification de la traque internationale contre les figures du régime Biya, au pouvoir depuis 43 ans .

Une disparition stratégique

Selon des sources proches des services de sécurité italiens, Atanga Nji, présent officiellement pour représenter Paul Biya aux obsèques pontificales, aurait quitté son hôtel romain à l’aube, anticipant une tentative d’interpellation par la BAS Italie. Les activistes, alertés de sa présence, comptaient « lui faire payer ses exactions » commises au Cameroun, selon un communiqué anonyme relayé sur les réseaux sociaux . Malgré des moyens déployés – surveillance des aéroports et quadrillage du centre-ville –, le ministre a réussi à disparaître parmi les officiels, provoquant la colère des militants. « Il a fui comme un rat, mais nous le retrouverons », a déclaré un membre de la BAS sous couvert d’anonymat .

La BAS : une diaspora en guerre contre le « régime croulant »

La Brigade Anti Sardinard, mouvement né en 2023, cible systématiquement les membres du gouvernement camerounais lors de leurs déplacements à l’étranger. Leur méthode ? Des actions coup de poing médiatisées : enfarinages, confrontations physiques, ou perturbations de discours officiels. En mars 2025, le ministre de la Jeunesse Mounouna Foutsou avait été violemment agressé par la BAS Belgique à Bruxelles après un discours jugé provocateur . Cette stratégie vise à déstabiliser un régime accusé de corruption, de répression des opposants – notamment dans les régions anglophones – et de maintien au pouvoir d’un président nonagénaire .

Atanga Nji : l’homme à abattre

Proche conseiller de Paul Biya depuis 2009, Atanga Nji incarne l’autoritarisme du régime. Ministre de l’Administration territoriale depuis 2018, il est responsable de l’interdiction récurrente de meetings politiques, comme celui de Cabral Libii dans l’Adamaoua en février 2025 . Son rôle dans la gestion brutale de la crise anglophone – marquée par des milliers de morts et de déplacés – en fait une cible prioritaire. « C’est un dangereux fanatique », résume un cadre de l’opposition camerounaise interrogé par Jeune Afrique . Son passage en Italie, territoire réputé sûr pour les exilés politiques, symbolise un tournant : même les alliés européens du Cameroun semblent impuissants à protéger ses dignitaires .

Un régime en sursis ?

La traque d’Atanga Nji intervient dans un contexte de fragilisation accrue du pouvoir de Paul Biya. À 92 ans, le président, officiellement candidat à un septième mandat en 2025, peine à contenir les dissensions internes et la grogne sociale. La BAS, forte de ses relais en Europe et en Amérique du Nord, exploite cette faiblesse en internationalisant le conflit. « Leur objectif est clair : isoler Biya en attaquant ses représentants à l’étranger », analyse un diplomate africain basé à Genève. Cette pression contribue à fissurer l’image d’un régime déjà miné par des scandales sanitaires – comme la récente interdiction de commenter l’état de santé du président .

L’étau se resserre

Si Atanga Nji a pour l’instant évité l’affront, sa fuite précipitée marque une victoire symbolique pour la BAS. Cet incident renforce la détermination des activistes, qui promettent de « poursuivre la traque jusqu’à la chute du régime ». Reste à savoir si la communauté internationale, jusqu’ici discrète sur les exactions camerounaises, continuera à fermer les yeux. Une chose est sûre : le combat pour la démocratie au Cameroun vient de trouver un nouveau champ de bataille – les rues de Rome .

Emmanuel Ekouli

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