
La mort du pape François, survenue le 21 avril, plonge l’Église catholique dans une période de transition historique. À partir du 5 mai, 135 cardinaux électeurs se réuniront dans la chapelle Sixtine pour désigner le 267e souverain pontife. Ce conclave, l’un des plus tendus de l’époque moderne, cristallise les divisions entre partisans d’une Église ouverte, héritière des réformes de François, et défenseurs d’un retour à l’orthodoxie doctrinale. Dans un monde secoué par des crises multiples, le choix du successeur de Pierre engagera l’institution pour des décennies.
Un conclave sous tension : réformistes vs conservateurs
Le premier enjeu est idéologique. François a marqué son pontificat par une approche pastorale centrée sur les périphéries sociales, la défense de l’environnement et une gestion décentralisée. Ses détracteurs, notamment dans la Curie, dénoncent une « dilution doctrinale ». Les cardinaux devront trancher : poursuivre cette voie ou restaurer une ligne plus rigide. Le cardinal Pietro Parolin (69 ans), Secrétaire d’État, incarne la continuité réformiste. Fin diplomate, il défend une Église inclusive, mais devra convaincre les sceptiques. Face à lui, le cardinal Robert Sarah (78 ans), ex-préfet de la Congrégation pour le Culte divin, symbolise l’aile conservatrice, prônant un recentrage sur la liturgie traditionnelle et la morale familiale.
Les favoris : Profils et stratégies
Plusieurs noms émergent, reflétant la diversité géographique de l’Église. Luis Antonio Tagle (66 ans), pro-préfet philippin au Dicastère pour l’Évangélisation, séduit par son charisme et son engagement en faveur des pauvres. Son origine asiatique, dans un continent où le catholicisme progresse, joue en sa faveur. En Europe, le cardinal autrichien Christoph Schönborn (79 ans), théologien réputé, apparaît comme un compromis possible : ouvert au dialogue, mais ferme sur les questions éthiques. L’Italien Matteo Zuppi (68 ans), président de la Conférence épiscopale italienne, mise sur son pragmatisme et son image de médiateur. Enfin, l’Afrique, dont le poids démographique croît, pourrait porter le cardinal ghanéen Peter Turkson (75 ans), ardent défenseur de la justice climatique.
Géopolitique vaticane : Le poids du sud global
Avec 43 % des électeurs issus d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, le conclave pourrait consacrer un pape non européen, une première depuis Grégoire III (VIIIe siècle). Cette évolution reflète la vitalité du catholicisme dans le Sud, contrastant avec l’érosion des pratiquants en Occident. Toutefois, les alliances restent imprévisibles : les cardinaux africains, souvent conservateurs, pourraient s’allier à des traditionalistes européens, tandis que les Latino-Américains, influencés par la théologie de la libération, penchent pour les réformes.
Scénarios et enjeux : Un compromis inévitable ?
Obtenir les 90 voix requises (2/3 des 135) nécessitera des concessions. Si aucun bloc ne domine, un candidat modéré émergera peut-être, comme le Canadien Marc Ouellet (79 ans), ex-préfet des Évêques, ou l’Argentin Víctor Fernández (61 ans), proche de François. Les défis à venir — sécularisation, scandales d’abus, dialogue interreligieux — exigeront un pape à la fois ferme et conciliant. Son élection révélera si l’Église choisit de s’adapter ou de résister au monde contemporain.
Un choix entre deux ères
Plus qu’une personne, c’est l’âme de l’Église qui se joue dans la chapelle Sixtine. Le prochain pape devra réconcilier une institution déchirée, tout en répondant aux attentes de 1,3 milliard de fidèles. Entre révolution et tradition, son nom scellera l’avenir d’une Église à la croisée des chemins.
Emmanuel Ekouli