Dans certains pays, on soupçonne les riches de fraude fiscale. Dans d’autres, de corruption. Dans le triangle national, on les soupçonne… de penser. Et si, par malheur, leur pensée ne s’aligne pas avec celle du grand œil qui veille depuis le sommet, ils deviennent subitement des « menaces à la paix sociale ».

Prenez le cas Fokam Kamogne. Grand industriel, promoteur d’université, mécène discret, patron de banques qui fonctionnent (ce qui est déjà suspect), et surtout, Camerounais. Il aurait pu faire comme les autres : donner au parti, donner au chef du parti, donner au fils du chef du parti, puis faire semblant de pleurer à chaque discours présidentiel. Mais non. L’homme, dans un excès de témérité, a choisi de rester… neutre. Ou pire : on le dit proche du MRC. Proche ! Le mot qui fait trembler les murs du palais et déclenche les alarmes dans les salons climatisés du renseignement.

On ne lui reproche rien de concret. Pas une déclaration, pas un meeting, pas un financement prouvé. Seulement des regards, des silences, peut-être une poignée de main un peu trop chaleureuse à un opposant un jour de marché. Mais en Scandalousie, on le sait : le silence est bavard, et la neutralité, une insulte. Il faut choisir ton camp. Et attention : le bon.
Le Dr Paul Fokam Kammogne n’est plus visible dans son pays depuis plusieurs années. Un hasard ?

Le cas Fokam Kamogne n’est que la suite logique d’une tradition bien huilée. Avant lui, Henri Tame Soumedjong, promoteur de la célèbre société Saplait, avait déjà expérimenté la brutalité silencieuse du système, sous l’égide d’un ministre d’un autre genre, René Owona. Son tort ? Être un industriel prospère dans une région perçue comme “hostile” au régime, bien plus, un Upeciste qui avait eu un certain rapprochement avec l’opposition, comme si c’était un crime de lèse-majesté. Résultat : Saplait a été sacrifiée sur l’autel de la paranoïa politique. Une laiterie moderne, 100 % locale, broyée par le rouleau compresseur d’une administration qui préfère le lait importé en poudre à la réussite nationale, juste pour satisfaire son venin tribal. Une curiosité planétaire.

Et que dire de Kadji Defosso, père de l’UCB, d’un empire agro-industriel, immobilier et hôtelier… Il voulait continuer en son temps, de produire de la bière en paix, mais son nom a osé figurer sur un bulletin autre que celui du « candidat naturel ». Sacrilège. Dès lors, tout fut bon pour le fragiliser : descentes fiscales, étranglement logistique, sabotage des réseaux de distribution. Beaucoup d’entrepreneurs camerounais ont dû quitter la SCANDALOUSIE , pour fuir des représailles, abandonnant des centaines d’emplois à offrir aux camerounais. D’autres, à contrecœur, soutiennent le régime sans conviction, pour protéger leur bifteck.

Car en Scandalousie, il ne suffit pas d’être un patriote : il faut l’être bruyamment, officiellement, et exclusivement dans le sens du courant. Le moindre pas de côté, la plus petite audace politique ou économique, fait de toi une menace nationale. Et ton dossier, jusque-là classé “excellent entrepreneur”, devient subitement “à surveiller”.

On s’interroge donc : dans ce pays, vaut-il mieux être un faussaire zélé du régime qu’un bâtisseur discret de l’économie nationale ? La réponse est dans la question.

Charles Chacot Chimé

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