Pendant que le Cameroun s’enfonce dans les crises, les Biya multiplient les séjours dorés en Suisse.

En 43 ans de pouvoir, Paul Biya, président camerounais, a marqué l’histoire de son pays non seulement par une longévité politique exceptionnelle, mais aussi par une gestion financière opaque qui alimente les critiques. Alors que des millions de Camerounais peinent à accéder à l’eau potable, à l’électricité ou à des routes dignes de ce nom, la famille présidentielle, elle, mène grand train. Selon des estimations, près de 177 millions de dollars (soit plus de 100 milliards de FCFA) auraient été dépensés en séjours luxueux en Suisse, entre hôtels cinq étoiles, villas privatisées et dépenses somptuaires. Une somme qui aurait pu transformer le pays.

Des séjours suisses aux coûts exorbitants

Depuis les années 1980, la famille Biya a élu domicile à intervalles réguliers en Suisse, particulièrement à Genève, où elle séjourne dans des palaces tels l’Hôtel Intercontinental, le Four Seasons ou encore le Royal Savoy. Des sources proches des services hôteliers suisses affirment que ces séjours, souvent prolongés, coûtent des dizaines de milliers de dollars par nuit.

En 2006, un rapport du Swiss Leaks avait déjà révélé que des millions de dollars transitait par des comptes bancaires helvétiques liés à des proches du régime. Plus récemment, des enquêtes journalistiques ont estimé que les frais cumulés des voyages présidentiels, des locations de villas et des dépenses annexes (sécurité privée, shopping de luxe, jets privés) dépasseraient les 100 milliards de FCFA.

Qui paie la note ?

La question qui brûle les lèvres des Camerounais est simple : d’où vient cet argent ? Officiellement, les déplacements du chef de l’État sont couverts par le budget de la présidence. Mais dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas 60 000 FCFA par mois, où les hôpitaux manquent de médicaments et où les universités sont en grève perpétuelle faute de moyens, une telle dépense paraît indécente.

Plusieurs hypothèses circulent :

  1. Les fonds publics détournés : Une partie de l’argent proviendrait directement du trésor camerounais, via des lignes budgétaires opaques.
  2. Les réseaux offshore : Des comptes en Suisse, au Luxembourg ou dans les paradis fiscaux permettraient de blanchir des fonds issus de la corruption.
  3. Les privilèges diplomatiques : Certains séjours pourraient être pris en charge par des partenaires étrangers en échange de contrats juteux (pétrole, bois, télécommunications).

100 milliards de FCFA : que pourrait-on financer à la place ?

Pour mesurer l’ampleur du gâchis, il suffit de comparer ces dépenses somptuaires avec les besoins criants du Cameroun :

  • Santé : 100 milliards de FCFA, c’est l’équivalent de 10 hôpitaux modernes ou de 5 millions de doses de vaccins.
  • Éducation : Cela permettrait de construire 500 écoles primaires ou d’augmenter les salaires des enseignants pendant des années.
  • Infrastructures : Avec cette somme, le Cameroun pourrait bitumer 500 km de routes ou électrifier des centaines de villages.

Pourtant, pendant que la famille présidentielle vit dans l’opulence, le Cameroun reste classé parmi les pays les plus pauvres au monde, avec un taux de chômage galopant et une dette publique qui explose.

Un pouvoir sourd aux critiques

Interrogé à plusieurs reprises sur ces dépenses extravagantes, le régime Biya a toujours botté en touche, invoquant la “sécurité du président” ou des “besoins protocolaires”. Pourtant, aucun autre dirigeant africain – à part peut-être les monarchies du Golfe – ne justifie de tels gaspillages.

L’opposition et la société civile dénoncent régulièrement ces abus, mais les voix critiques sont systématiquement étouffées. “C’est un scandale d’État”, s’indigne un économiste camerounais sous couvert d’anonymat. “Cet argent appartient au peuple, et il est volé en toute impunité.”

L’urgence d’une transparence

Alors que Paul Biya, à 90 ans, semble se retirer progressivement du pouvoir, la question de l’héritage financier de son régime reste entière. Où sont passés les milliards détournés ? Qui rendra des comptes ?

Dans un Cameroun en quête de justice et de renouveau, il est plus que temps d’exiger la transparence sur l’utilisation des fonds publics et de poursuivre les responsables de ce pillage organisé. Car un peuple ne peut indéfiniment supporter les caprices d’une élite vorace tandis qu’il lutte chaque jour pour sa survie.

La question n’est pas de savoir si Paul Biya a trop dépensé, mais plutôt : combien de temps encore les Camerounais paieront-ils pour ses excès ?

Emmanuel EKOULI


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