
Alors donc, on nous informe, ton grave, œil sévère, que Maurice Kamto ne peut pas se présenter à la présidentielle d’octobre prochain. Motif ? Tenez-vous bien : certains élus du MRC seraient des dissidents venus d’autres partis. Blasphème ! Crime de lèse-parti ! Violation des saintes règles de la pureté originelle.
Chers exégètes de pacotille, peut-on vous rappeler que l’article 15, alinéas 2 et 3 de la Constitution de 1996 proclame que « chaque député représente l’ensemble de la Nation » et que « tout mandat impératif est nul » ? Traduction pour les esprits englués dans le fétichisme partisan : les députés ne sont pas les garçons de course des partis, encore moins des communautés ou des chefs de secte politique. Ils ne prêtent serment qu’à la Nation. Point. Final.
Mais non, il y a toujours une troupe de griots en manque de tribune qui veut transformer l’Assemblée nationale en propriété privée des partis politiques, comme si un député devait éternellement porter la camisole du parti qui l’a vu naître, tel un nourrisson attaché à son cordon ombilical. Au Cameroun, on confond encore liberté de mandat et trahison de la famille politique. Triste.
Alors, parce qu’un élu du SDF, de l’UDC, de l’UNDP ou d’un obscur groupuscule a eu l’outrecuidance de rejoindre le MRC, le professeur Kamto devrait être disqualifié de la course présidentielle ? Et pourquoi pas lui retirer son droit de vote, tant qu’on y est ? Ou lui confisquer son stylo pour éviter qu’il ne remplisse le formulaire de candidature ? On croit rêver.
Si la Constitution elle-même libère les députés de toute obligation d’obéissance partisane, qui êtes-vous pour les y astreindre ? Des fossoyeurs de la démocratie ? Des ennemis de la souveraineté nationale ? Des théologiens de l’absurde ?
Rappel utile : le mandat représentatif, tel que consacré par la Constitution camerounaise, fait des élus les représentants de toute la Nation, et non les porte-voix d’un terroir, d’un village, ou d’un président de parti. Un député peut, s’il le veut, changer de cravate, de banc, ou même d’allégeance politique. Cela ne remet en rien en cause son mandat. C’est même une garantie de sa liberté.
Alors chers inquisiteurs de la pensée unique, laissez Kamto se présenter. Si vous avez des arguments, présentez-les. Sinon, respectez la Constitution que vous aimez pourtant tant citer… quand elle vous arrange.
Et s’il faut vraiment défendre l’idée que les députés sont des soldats d’un parti, alors supprimons la Constitution, brûlons l’article 15, et installons le Parti Unique 2.0. Ce sera plus clair.
Mais tant que la loi est là, vos incantations sont du vent. Et vos interdits, de la poudre aux yeux.
Charles Chacot Chimé