
L’hôpital Laquintinie de Douala, l’un des plus grands centres hospitaliers du Cameroun, vient d’instaurer une mesure choc : le port obligatoire de bracelets d’identification pour tous les nouveau-nés. Cette décision, saluée par de nombreux parents, intervient dans un contexte où le pays lutte depuis près de vingt ans contre un phénomène glaçant : le vol de bébés dans les maternités. Un crime qui avait défrayé la chronique en 2011 avec l’affaire Vanessa Tchatchou, symbole tragique de ces disparitions impardonnables.
Un fléau ancré dans l’actualité camerounaise
Le vol de nourrissons dans les hôpitaux camerounais n’est malheureusement pas une nouveauté. Depuis les années 2000, plusieurs cas ont été signalés, souvent liés à des réseaux de trafic d’enfants ou à des actes de vengeance. L’affaire la plus marquante reste celle de Vanessa Tchatchou, jeune mère à qui l’on avait annoncé, en 2011, la mort de son bébé à la clinique de la Croix bleue à Yaoundé. Après des années de combat judiciaire et médiatique, elle découvrit que son enfant avait été en réalité volé et vendu. Ce scandale avait ébranlé le pays, révélant les failles sécuritaires des établissements de santé.
Malgré les promesses des autorités, les disparitions ont persisté. En 2023, une enquête menée par une ONG locale recensait au moins une dizaine de cas suspects dans les hôpitaux de Douala et Yaoundé. Face à cette situation, l’hôpital Laquintinie a donc décidé de réagir en adoptant une solution déjà répandue dans d’autres pays : le bracelet électronique d’identification.
Comment fonctionne le nouveau système ?
Dès leur naissance, les bébés reçoivent un bracelet inviolable, muni d’un code unique et scannable. Ce dispositif permet de tracer l’enfant et d’éviter toute substitution ou enlèvement. Seul le personnel médical autorisé peut retirer le bracelet, sous contrôle strict.
“C’est une avancée majeure pour la sécurité des nouveau-nés”, explique le Dr Emmanuel Ngoudjou, directeur de l’hôpital. “Nous ne pouvons plus tolérer que des familles vivent le cauchemar de perdre leur enfant dans un lieu censé être sécurisé.”
Les parents, longtemps méfiants, accueillent la mesure avec soulagement. “Enfin une décision concrète !”, s’exclame Nadège, jeune maman rencontrée dans la maternité. “Avant, on entendait tellement d’histoires qu’on avait peur de quitter son bébé des yeux une seule seconde.”
Une solution suffisante ?
Si le bracelet constitue une barrière technologique efficace, certains acteurs de la société civile estiment qu’il ne suffira pas à éradiquer le phénomène. “C’est bien, mais il faut aussi renforcer la surveillance, former le personnel et sanctionner lourdement les coupables”, insiste Joseph Mbeng, président de l’association Protection de l’Enfance Cameroun.
D’autres soulignent que le trafic d’enfants dépasse le cadre hospitalier et implique souvent des complicités internes. “Les voleurs adaptent leurs méthodes. Il faut des enquêtes approfondies et une meilleure coordination avec la police”, alerte une source judiciaire sous couvert d’anonymat.
Un signal fort, mais des défis à relever
L’initiative de Laquintinie pourrait inspirer d’autres hôpitaux du pays. Cependant, elle met aussi en lumière les carences persistantes du système de santé camerounais : sous-effectif, corruption, manque de moyens.
Près de vingt ans après les premiers cas médiatisés, le Cameroun prend enfin des mesures concrètes. Mais pour des milliers de familles, comme celle de Vanessa Tchatchou, ces actions arrivent trop tard. Reste à savoir si cette innovation marquera la fin d’un cauchemar ou si elle ne sera qu’un pansement sur une plaie encore béante.
Une chose est sûre : désormais, à Laquintinie, chaque nouveau-né portera son histoire… au poignet.
Emmanuel Ekouli