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Comment l’insalubrité et la saison des pluies augmentent la prévalence du paludisme dans la ville d’Edéa

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Le vrombissement des motos rompt la quiétude de cette fin de matinée humide dans laquelle baigne Dipita, un des quartiers de la ville d’Edéa, dans le département de la Sanaga-Maritime, région du Littoral. Non loin d’un bric-à-brac indescriptible, Lydie Boumam s’occupe d’un de ses fils, malade. Cette femme de ménage, visiblement une quadragénaire, confie que l’enfant souffre de paludisme. Ce gamin n’est d’ailleurs pas le seul enfant atteint par cette maladie dans cette maisonnée. 

« Depuis que la saison des pluies a commencé, presque toutes les personnes qui habitent cette maison souffrent de paludisme », se plaint Lydie Boumam. Elle poursuit, la voix étouffée par le dépit : « àcause de cette situation tous mes enfants n’ont pas repris le chemin de l’école jusqu’à présent. Et c’est dû au fait que l’argent qui peut servir à acheter un ou deux cahiers à chacun a été utilisé pour payer les frais médicaux ». 

Si Lydie Boumam fait le lien entre le retour des pluies et la recrudescence des cas de paludisme dans sa maison ce n’est pas pour rien. Elle s’explique en arguant que c’est la même chose chaque année : l’abondance des pluies fait grimper la prévalence des cas de paludisme. Mais en réalité, Lydie Boumamcroit davantage que c’est l’insalubrité du quartier Dipita couplée aux fortes pluies qui favorisent, sans aucun doute, la multiplication des cas des paludisme. 

« A Dipita, on peut faire un mois et même plus sans que le service d’hygiène ne passe. Déjà qu’il n’y a presque pas de bacs à ordures. On va accumuler les déchets ménagers, parfois les entasser dans les bordures de la route. Ce n’est qu’après un mois d’attente que les services d’hygiène vont passer récupérer ces ordures avec les engins parce-que les tas d’ordures sont devenus des énormes montagnes », explique la ménagère de Dipita. 

Le lien entre l’insalubrité et le paludisme n’est pas une invention de cette femme. Au contraire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait ce lien dans un rapport sur l’insalubrité publié en 2016. A la sortie de ce rapport, l’OMS estimait que près de 259 000 personnes vivant dans un environnement insalubre décédaient chaque année dans le monde à cause du paludisme. En attendant une actualisation de cette étude, il n’est pas certain que ce taux de morbidité se soit amélioré, surtout en Afrique où la salubrité reste une véritable préoccupation dans les centres urbains comme Edéa.

Odeur nauséabonde 

La preuve, c’est que Lydie Boumam n’est pas la seule à se plaindre. Non loin de son domicile, près d’une boutique, Aristide NnaNna avoue lui aussi que l’insalubrité du quartier favorise la multiplication des cas de paludisme à chaque saison pluvieuse. Il ne manque pas au passage de décrier la mauvaise gestion des ordures ménagères dans la ville. « Ici à Dipita, il y a un bac qui est plein à craquer depuis des mois et l’odeur nauséabonde est de plus en plus insupportable. Les poubelles ont pris les trois quarts de la route. On est obligé d’esquiver la poubelle ou de macher dessus. On retrouve une poubelle à côté d’une boutique, une poubelle à côté d’une école. Est-ce que c’est normal ? », s’interroge Aristide Nna Nna, un tantinet colérique. 

Jacky Landrine Ngo Masso, une autre habitante de Dipita, choisit de décrire un tableau apocalyptique : « on observe la présence de gros et de petits moustiques depuis le retour des pluies. Ces moustiques esquivent le vent du ventilateur et ils piquent même au travers des moustiquaires. Ce qui nous rend constamment malade, même si tu te fais soigner, puisque tu es toujours dans un environnement pareil, tu seras toujours piqué par les moustiques et par conséquent tu seras toujours malade du paludisme ». 

Dipita n’est visiblement pas le seul quartier à plaindre à Edéa. A Bousmikon, quartier périphérique construit sur les bords du fleuve Sanaga qui traverse Edéa, les habitants sont aussi convaincus que l’insalubrité couplée aux pluies sont bien responsables des cas de paludisme diagnostiqués à la pelle ces dernières semaines. « Cet endroit est le dépotoir même des moustiques. Ce n’est pas un hasard parce qu’à Bousmikon, on jette nos ordures dans la Sanaga. C’est notre poubelle parce qu’il n’y a pas de bacs à ordures », fait savoir Guy Moulè, un jeune du quartier. 

Il poursuit : « les enfants ont des plaies sur le corps, développe la gale, ils se grattent sans arrêt à cause des piqures des moustiques. Ils tombent constamment malade. Comment être en santé dans un tel environnement ? Les enfants sont constamment malades. Même si tu prends un traitement tu seras toujours piqué par les moustiques et quelques temps après tu seras de nouveau malade ».  

Plusieurs autres quartiers de la ville d’Edéa ne sont pas épargnés. C’est le cas du quartier populaire de Bafana-Bafana. De même queBonaminkengue, sur les bords de la Sanaga. Sans oublier Domaine, Nkongmondo ou encore Mbianda. Ce dernier quartier est célèbre à Edéa pour ses marres d’eau qui favorisent la prolifération des moustiques.

Dans les centres de santé de la ville, c’est le même son de cloche. « Oui, bien évidemment qu’on enregistre plus de cas de paludisme en cette période de grande saison de pluie à cause de l’environnement, les eaux stagnantes, la végétation qui favorisent la prolifération des moustiques », diagnostique Dr Nono, responsable du centre de santé La Colombe.

« Automatiquement, il y a toujours une augmentation des cas de paludisme avec le changement de saison. Lorsqu’on quitte une saison pour une autre, c’est toujours pareil », fait savoir Adrien Moukam, le responsable du cabinet de santé The Trinity. Toutefois, cet infirmier diplômé d’Etat ne doute pas que l’insalubrité et la promiscuité sont forcément des catalyseurs. Il en veut pour preuve que la majorité des patients viennent des mêmes quartiers, reconnus pour être insalubres et loin d’offrir un véritable confort aux habitants. « Les quartiers concernés sont Saint-palmier, Songminkougui, Nkongmondo. Et c’est parce qu’ils sont entourés par une rivière du nom de Bouè. Il faut aussi ajouter la zone de la Maison de parti, le quartier Haoussa et ses environs ».

C’est pourquoi Adrien Moukam pense qu’il « faut toujours garder notre environnement sain en mettant la propreté, dormir sous une moustiquaire imprégnée, savoir se protéger contre le climat et les intempéries. Au cas où la maladie se présente, se diriger vers un centre de santé agrée pour se faire rapidement soigner, éviter les médicaments de la rue. Lorsqu’on se fait bien soigner, on peut faire une très longue période sans plus tomber malade ».

Rappel à l’ordre

Il répète le même refrain à tous ses patients. Il n’est pas le seul à le faire. La mairie de la ville fait de même. Il arrive même que les responsables de cette collectivité territoriale décentralisée (CTD) perdent leur sang-froid parce qu’ils estiment que plusieurs habitats de la ville ne font rien pour garder leur environnement salubre. « Il faut le fouet. Aun moment donné, il faut des sanctions. Il faut un rappel à l’ordre des populations », s’énerve une des responsables de la mairie de la ville. 

Françoise Ngo Bilong bi Nyemb, la directrice administrative et des ressources humaines, est bien plus mesurée. Pour elle, la faute n’incombe pas entièrement aux autorités municipales. Elle fait tout d’abord remarquer que les populations n’aident pas beaucoup Hygiène et salubrité du Cameroun(Hysacam), l’entreprise chargée du ramassage des ordures à Edéa. Françoise Ngo Bilong bi Nyemb pointe du doigt l’incivisme des populations qui ont pris l’habitude de détruire les bacs à ordures. 

« La commune, avec son partenaire Hysacam, multiplient les efforts pour le bien-être des populations. Mais les populations ont besoin d’être sensibilisées. Il ne faut pas se voiler la face, nos populations manquent de volonté et ils sont négligents. Si on ne les sensibilise pas, on aura l’impression que rien n’est fait », explique Françoise Ngo Bilong bi Nyemb. 

« L’objectif de la Communauté urbaine c’est l’amélioration des conditions de vie des populations. Mais si les populations n’adhèrent pas à ce qu’on met à leur disposition, nous n’allons pas faire de la magie. Nous sommes tous les maillons de cette chaîne. Il faudrait que tout le monde s’approprie cette activité. On ne va pas attendre l’ONU, l’OMS ou L’Etat pour venir changer ou faire les choses à notre place », ajoute notre interlocutrice.

Simon Philippe Libobi, le chef du service des politiques environnementales et de la planification, de l’architecture et du permis de construction à la mairie, répond, pour sa part, aux habitants qui se plaignent de la faiblesse du ramassage des ordures. « L’activité d’Hysacam est motorisée. L’inaccessibilité de certaines zones empêche le travail d’être bien effectué. C’est le cas de Bousmikon. Ce quartier est séparé de la voie normale par les rails, donc il est impossible de pénétrer. Il revient donc aux populations de cette zone de s’organiser afin de mettre leurs déchets dans un point de repère où il sera plus facile de les récupérer », fait-il savoir.

Mais à en croire Simon Philippe Libobi, l’accessibilité à certains quartiers n’est pas le seul problème. Il faut aussi prendre en compte que dans le contrat paraphé avec la mairie de la ville, Hysacam a un nombre bien précis de bacs à prendre en charge. Enfin, le même contrat stipule que Hysacama la mission de transporter uniquement les ordures ménagères. Or il arrive que les déchets hospitaliers, les troncs d’arbre… se retrouvent dans les bacs à ordures. 

Malgré tout, la mairie s’investit en organisant fréquemment des campagnes d’assainissement des abords des artères de la ville. Les autorités municipales assurent aussi qu’ils veillent du mieux qu’elles peuvent pour que les eaux des fosses soient évacuées. « On appelle les populations à coopérer. Il faudrait que les populations soient conscientes de leur rôle. Si elles ne collaborent pas on ne pourra pas atteindre nos objectifs », conclut Simon Philippe Libobi.

On rappelle que le paludisme est fortement endémique au Cameroun, selon leProgramme national de lutte contre le paludisme (PNLP). « Chaque année, nous enregistrons six millions de cas de paludisme et nos établissements de santé déplorent 4000 décès environ, dont la plupart touchent les enfants de moins de cinq ans. Cependant, tous les cas ne sont pas enregistrés et l’Organisation mondiale de la santé estime qu’environ 11 000 personnes meurent du paludisme au Cameroun chaque année », fait savoir Dorothy Achu, secrétaire permanente du PNLP dans une interview relayée par l’OMS en 2022.

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Cet article a été réalisé dans le cadre du projet « Media for Climate Action », piloté par Actions For Development and Empowerment (ADE) avec l’appui technique et financier de l’Ambassade de France au Cameroun, de FSPI Transition Écologique et du Conseil Nouveau Sommet Afrique-France.

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